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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 octobre [1842], vendredi matin, 9 h. ¼

Bonjour, mon cher bien-aimé adoré. Bonjour mon bon petit homme chéri. Pensesa-tu à moi ? Me regrettesb-tu ? Me désires-tu ? Me plains-tu ? Moi je t’aime, moi je te cherche, moi je suis triste. Moi je suis bien malheureuse et je t’adore. C’était si doux de t’avoir là, de te sentir à travers la porte, de surprendre un de tes regards distraits, d’entendre ta chère petite voix de temps en temps, que je suis bien seule et bien triste aujourd’hui que tout ça me manque. Sans doute ce n’était pas le bonheur complet du voyage [1] mais enfin c’était du bonheur et c’est ainsi que je le regrette et que je le regretterai toute ma vie.
Qu’est-ce que tu fais en ce moment mon amour chéri ? Es-tu dans ton petit lit bien chaudement avec tes papiers AUTOUR DE TOI ? As-tu pris ta drogue ? Tes petits enfants sont-ils déjà venus t’embrasser ? Es-tu bien heureux ? Non, je ne veux pas que tu sois heureux si loin de moi. Je veux que tu souffres, que tu aies besoin de moi, je veux que tu sentes le besoin de revenir tout de suite auprès de moi. Pauvre ange adoré, excepté la souffrance que je ne te souhaite à aucun prix, je désire que tu me regrettes, que tu me désires et que tu viennesc le plus vite possible auprès de ta pauvre vieille Juju. Je ne veux pas non plus, mon cher amour, et cela très SÉRIEUSEMENT, que tu lises tous mes informes gribouillis. Si tu veux, je te les lirai moi-même. Cela me sera fort pénible mais j’aime encore mieux ça que de te faire mal aux yeux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 173-174
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « pense ».
b) « regrette ».
c) « vienne ».


28 octobre [1842], vendredi soir, 4h.

Mon cher bien-aimé, je ne veux pas que tu fassesa mal à tes pauvres beaux yeux adorés. Je te lirai tout ce que tu voudras, même ces stupides gribouillis que je t’écris pour ma satisfaction personnelle mais qui ne doivent pas t’intéresser au point de te faire du mal. Je ne le veux pas sous aucun prétexte. Tu avais l’air bien préoccupé tout à l’heure, mon cher amour, c’est ce qui m’a empêchée d’insister pour te retenir dans la crainte de te troubler. J’aurais voulu aussi que tu me dises si tu crois pouvoir dîner avec moi ce soir. Hélas ! c’est un espoir que je n’ose pas concevoir. Mais si, par impossible, tu en avais l’intention, tu ferais un bien maigre dîner, moi n’étant pas prévenue d’avance.
Voici une lettre de ma fille très gentille. Il paraît qu’elle travaille, que ces dames en sont contentes, qu’il fait beaucoup de vent, qu’il y a beaucoup de VOLEURS et qu’elle ont TRÈS PEUR, ce dont je ne doute pas. Elle espère me venir voir au commencement du mois prochain. En attendant, pourquoi ne veux-tu pas que je me fasse faire cette pauvre petite cloche ? Mme Ledon attendra bien tant qu’on voudra par [illis.] et moi cela m’est tout à fait un vêtement indispensable par le temps qui court et vraiment, mon pauvre amour, pour la dernière chose nécessaire que je te demande, tu as tort de n’y pas consentir. Mais que ta volonté soit faite, tu n’en seras pas moins adoré, comme un pauvre ange du bon Dieu que tu es.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 175-176
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « fasse ».

Notes

[1Juliette a voyagé de façon quasi annuelle avec Victor Hugo entre 1834 et 1840, mais ni en 1841 ni en 1842, à son grand désespoir.

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