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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 septembre [1842], jeudi après-midi, 3 h. ¾

J’aurais le droit de ne pas vous écrire, mon amour, mais comme c’est une privation pour moi de ne pas vous gribouiller une feuille de papier blanc, je me supprime mon droit et je vous écris comme si vous ne deviez pas revenir tout à l’heure. Je vous écris même d’autant plus que j’ai la joie au cœur, plus je [vous] vois, plus je suis heureuse, mon amour, et plus j’ai besoin d’épancher mon bonheur. Hier je ne t’ai pas écrit, cela tient à ce que j’ai eu trop peu de temps entre MON MÉNAGE et le dîner car sans cela je ne m’en serais pas privéea, je te prie de le croire. Mon pauvre adoré bien-aimé, tu es parti presque fâché tantôt et pourtant il n’y avait pas de quoi car je t’assure que j’étais au bout de mon courage et de ma patience avec ma hideuse perruque. Du reste cela ne s’adressait pas à toi, mon cher amour, car je ne t’ai jamais plus aimé, je n’ai jamais été plus pénétrée de ta bonté ineffable, de ta douceur charmante. Enfin, je ne t’ai jamais plus admiré ni plus adoré, mon Toto. Crois-le bien, mon amour, parce que c’est la sainte vérité. Tu es sans doute à l’Académie, mon Toto, et je ne t’en fais pas mon compliment parce que, quoique tu en sois le plus bel ornement, je trouve les susdits académiciens pas drôles de leur nature. Enfin, MON PRÉSIDENT, tâchez d’y être le moins longtemps que vous pourrez. J’ai hâte de vous voir, mon amour, ET MON MÉNAGE EST FAIT. Sur ce, baisez-moi et aimez-moi malgré toutes les ridicules cérémonies que je me fais. Aimez-moi d’autant plus, mon Toto, que c’est pour vous plaire ou plutôt pour ne pas avoir l’air d’être votre GRAND-MÈRE que je m’inflige tout ces supplices hideux. Mais je vous assure, mon pauvre Toto, qu’au fond du cœur, j’en suis bien triste et bien inquiète. Baise-moi, mon adoré. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 129-130
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « privé ».

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