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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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5 septembre [1842], lundi après midi, 3 h. ¾

Mon cher petit bien-aimé chéri, je ne sais pas où vous êtes mais je m’en doute car je suis triste [1]. N’importe où vous soyez cependant, je vous aime, je vous bénis et je vous adore.
Je viens d’écrire encore à Claire pour qu’elle ait à remercier son père de son ange gardien. Je viens d’ôter un de mes matelas du lit afin de le faire détirer par Suzanne avant de le faire carder par la cardeuse [2], mais je ne crois pas que nous puissions nous dispenser d’acheter au moins une toile neuve et d’en faire une bonne des deux mauvaises. Au reste, je vais m’en assurer tout à fait tout à l’heure. J’ai aussi donné la commission au père Ledon. Il croit, et moi, j’espère qu’on retrouvera de l’étoffe tout à fait pareille à l’échantillon ravissant que j’ai, et il est probable que cela ne dépassera pas la somme en question : les douze tigres à cinq griffes [3]. Hein ! Si j’ai cette robe-là, le roi ne sera pas mon cousin et tous les coups de canon du monde en l’honneur de qui et de quoi que ce soit ne m’émouvront pas plus qu’un SOUPIR de POÈTE, quelque bien lancé qu’il soit. En attendant, et en vous attendant, je vais CARDER MON MATELAS comme délassement d’ENTRACTE. Et si, comme je le crains, vous êtes à Saint-Prix demain matin, je me lèverai avec le jour pour préparer LA CHOSE en question. Il y aura plus d’un mois que cela n’aura été fait, c’est le temps le plus long qui sea soit passé jusqu’à présent. Voilà, mon Toto chéri, les folâtreries auxquelles je vais me livrer pendant votre absence. N’oubliez pas que tout cela n’est que pour tuer le temps qui me paraît toujours trop long quand n’êtes pas avec moi et revenez bien vite auprès de votre vieille Juju qui vous aime et qui vous attend. Jour Toto. Jour mon cher petit o. Voilà un temps qui va faire du bien à notre cher petit tranche-montagne [4]. Je donnerais deux sous de bon cœur pour le voir sur sa monture. Je vous embrasse tous mes chers petits et toi-même, mon adoré. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 115-116
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « ce ».

Notes

[1Les enfants de Victor Hugo, ainsi que sa femme, sont partis entre le 24 et le 25 août s’installer pour quelques mois à Saint-Prix dans le Val d’Oise. Victor Hugo les y rejoint régulièrement.

[2Carder : travailler la laine et le crin du matelas afin de lui redonner son épaisseur primitiv.

[3Un « tigre à cinq griffes » est un nom plaisant donné à une pièce de cinq francs.

[4Tranche-montagne : Fanfaron qui se dit prêt à tout. Sobriquet utilisé ici par Juliette de façon affectueuse pour désigner François-Victor Hugo, qui est en convalescence

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