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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 avril [1837], jeudi matin, 11 h. ½

Bonjour mon cher petit homme. Quel dommage que vous ne soyez pas dans mon lit à l’heure qu’il est, vous verriez un très bel effet de soleil dans ma chambre, ce qui n’est pas à dédaigner par le temps qui court. En outre vous auriez eu un très bon déjeuner, mon petit gueulard, vous n’avez pas le sens commun de manquer toutes ces bonnes choses à la fois. Hier j’ai été bien méchante et vous bien bon et si vous étiez venu cette nuit vous auriez vu que je voulais réparer mes torts et me faire pardonner tous mes TRIMES. Mais vous n’avez l’instinct de rien. Hier je me suis préparée à faire notre petit voyage annuel comme s’il allait se réaliser demain, c’est une illusion que je me suis faite et qui tout le temps qu’elle a duréa m’a rempli le cœur de joie. Aujourd’hui seulement je suis triste en y pensant car je ne vois pas que les préparatifs que j’ai faitsb soient employés d’ici à longtemps, ce qui me chagrine de tout mon cœur. Cependant si tu voulais… Il fait un temps ravissant aujourd’hui cela promet pour le mois de MAI. Eh bien ?... Ah ! Si je n’étais pas trompette ! [1] Enfin voilà la chose, je vous aime de toute mon âme. Je ne demande que plaie et bosse et VOYAGE. En attendant votre bon plaisir je vous baise la plante des pieds jusqu’à la pointe de vos cheveux.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16330, f. 67-68
Transcription de Chantal Brière

a) « durée ».
b) « fait ».


20 avril [1837], jeudi après-midi, 1 h. ¼

Je vous écris de bonne heure, mon cher petit bien-aimé, dans l’espoir que vous viendrez me prendre pour sortir un peu avec moi. Il fait si beau et c’est si rare. Et puis je serai avec vous bras dessus bras dessous, comprenez-vous le charme ? Quanta à moi, je ne le comprends que trop car je regrette chaque minute passée loin de vous comme un trésor de bonheur et d’amour perdu. J’ai fait toutes mes affaires, il ne me reste plus qu’à me débarbouiller et à m’habiller mais c’est peu de chose comme vous savez, cher petit LAMBIN. Allez donc chez le relieur, je vous en prie ! Je vous en prie ! je vous en prie !!! N’oubliez pas que j’ai à essayerb aujourd’hui ma fameuse robe de mousseline de laine en coton. Ainsi vous êtes forcé de toutes façons de me faire sortir à moins que vous ne veniez pas du tout ce qui est infiniment probable et me pend à mon nez de CARTON. Jour mon petit Loto, je vous aime bien moi, bien fort. Je me repens de tout mon cœur des sottises que je vous ai ditesc hier mais vous n’en êtes pas moins un affreux TENTATEUR avec votre PRIME. L’homme opprime sa femme. Si j’ai encore des accès de démence et de belles assiettes en porcelaine du Japon, NE VOUS EN PRENEZ QU’À VOUS, [À VOUS GENOUX, JE LES FIS TOUS  ?]. Je vous aime, vous le savez bien, et vous me le faites répéter comme si vous étiez sourd et aveugle.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16330, f. 69-70
Transcription de Chantal Brière

a) « Quand ».
b) « a essayé ».
c) « dit ».


20 avril [1837], jeudi soir, 7 h. ½

Ce n’est pas une prime que je vous donne, mon cher bien-aimé, mais une bonne caresse de l’âme pour toutes la bonté et la grâce que vous avez euesa avec votre pauvre Juju tout aujourd’hui et vous auriez été très méchant à la place d’être très bon que je vous aurais adoré tout de même et que je vous l’aurais dit. Je dois vous avouer qu’on n’estb pas venu apporter l’assiette. J’espère que moyennant 1 F. nous pourrons en être possesseurs demain. J’ai toujours lavé et ratissé les trois premières, elles sont aussi jolies que les autres mais beaucoup plus abîmées. Néanmoins j’en suis fort contente et je pousse le hurlement expressif : QUEL BONHEUR ! Aussi pour la peine je vais vous recopire [2] vos vers sur du grand papier. Ah ! c’est gentil ça et puis je vous promets de ne penser qu’à vous toute la soirée et de vous aimer de tout mon cœur et de toutes mes forces. J’ai une faim de voyage, je n’ai pas encore dîné et je n’ai guèreb d’espoir de dîner avant 3 heures au train dont y va mon cordon bleu. Hum ! Si vous ne travailliez pas comme je vous tourmenterais à l’endroit du RELIEUR mais vous êtes dans un [état  ?] de somnambulisme dont j’ai pitié. Vous êtes bien heureux, ça suffit, je m’entends. Je vous aime encore plus que je ne vous le dis et bien plus encore.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16330, f. 71-72
Transcription de Chantal Brière

a) « eu ».
b) « est ».
c) « guerre ».

Notes

[1Il faut peut-être rapprocher cette expression de celle que Juliette emploiera ultérieurement, dans sa lettre du 23 avril 1839, et qui est plus explicite : « Heureusement que je suis bon cheval de trompette et que je m’effraye pas du bruit. » Le cheval de trompette avance malgré le fracas des combats, « être bon cheval de trompette » désigne quelqu’un qui ne s’effraie pas de l’adversité et poursuit l’exécution de ses projets.

[2Déformation ludique pour « recopier ».

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