Samedi soir, 8 h. moins 20 minutes
Mon cher bien-aimé, je maintiens tout ce que je t’ai écrit tantôt avant l’incident de la lettrea. Sois bien sûr que je souffrirai beaucoup et longtemps avant de nuire à tes intérêts et que le jour où je faibliraib dans mon dévouement, je me sauverai plutôtc que de te causer un véritable dommage. Je m’en irai crever bien loin, dans un coin où tu ne pourras pas venir me chercher. Mais comme je t’aime aussi plus que ma vie, je te le répète, je souffrirai longtemps et beaucoup avant de mettre cette résolution à exécution.
Mon cher petit homme, vous avez toujours avec moi les yeux plus grandsd que le ventre. Vous me demandez lettre sur lettre, amour sur amour, quand vous avez à peine le temps de lire une ligne et de prendre un baiser, occupé comme vous l’êtes d’affaires plus fatigantes les unes que les autres. Si vous étiez bien raisonnable, vous ne vous imposeriez pas l’obligation de lire chaque jour un in-folio de ma prose. Vous vous contenteriez de savoir que je vous aime jusqu’à l’adoration, que je pense sans cesse à vous et que je vous désire toujours. Vous me laisseriez penser et sentir toutes ces choses sans vous fatiguer les yeux à les lire et sans prendre sur votre repos qui, hors d’avec moi, est ce que je vous désire le plus.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16324, f. 25-26
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « lettre » est souligné deux fois.
b) « je faiblirais ».
c) « plus tôt ».
d) « grand ».