Vendredi matin, 11 h.
Bonjour, mon cher petit homme bien aimé, comment avez-vous passé la nuit, et comment m’aimez-vous ce matin ? Moi, je vous aime de toutes mes forces et de toute mon âme. Est-ce autant que vous ? Je voudrais bien vous voir et vous avoir auprès de moi, je vous mangerais de caresses.
Savez-vous que je vais de mieux en mieux et que j’ai passéa une presque bonne nuit, autant qu’une nuit peut-être bonne sans vous ? N’avais-je pas bien raison de vous demander impérieusement le remède souverain dont vous êtes parfois si avare ? Vous voyez cependant son effet miraculeux et cela à plusieurs reprises. Dorénavant, je n’userai plus que de celui-là, je renonce à tout jamais au médecin et à la médecine. Je m’en tiens à vous, pour tout et pour toujours.
Savez-vous que vous me coûtez plus de papier que vous n’êtes gros ? Je suis forcée de vous écrire en plusieurs morceauxb parce que je ne veux pas attendre le retour de la bonne pour vous dire à quel point je t’aime. Ensuite par économie, pour ne rien perdre, et une pensée d’économie chez moi, c’est une pensée d’amour, qui veut dire que je pense à toi, que je veille à la conservation de ta santé et de notre bonheur. Je t’attends avec bien de l’impatience. J’ai beaucoup de bonnes choses à te dire, des mains, des yeux, des lèvres et du cœur.
Je voudrais être à demain pour lire ce que tu as fait ces jours et ces nuits où je t’ai à peine vu. Je voudrais être à demain parce que d’ici là, j’aurai amassé dans mon trésor de bonheur toutes les heures que tu me donneras aujourd’hui. Je voudrais être à demain pour t’applaudir, t’admirer autant que je t’aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16324, f. 5-6
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « passée ».
b) Juliette a noté « 2 » en haut de la troisième page pour indiquer l’ordre de lecture de la lettre.