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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 janvier [1842], jeudi matin, 11 h. ¾

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon Toto bien-aimé. Est-ce que vous avez eu peur de la médecine de Claire et de tout ce qui s’ensuit que vous n’êtes pas venu [1] ? Ainsi les jours se suivent et se ressemblent pour moi, c’est toujours à mon tour à me passer de vous. Pour les autres, c’est différent, vous savez avoir l’attention et la prévoyance de les voir avant d’entrer dans un grand travail et les revoir dès que vous en êtes sorti, d’un grand travail, tandis que moi, vous oubliez soigneusement l’avant, le pendant et l’après de toute chose. Je ne vous vois jamais que quelques minutes le soir, le temps que vous parcouriez vos journaux. Voilà tout. Ce n’est pas assez ni pour la santé, ni pour le bonheur, ni pour le corps, ni pour l’âme, si vous m’aimez, vous sentiriez cela. Je ne veux pas venir grogner davantage parce que cela n’avance pas à grand-chose et que vous vous en fichez comme de rien du tout. Je vous dirai seulement, pour varier ma littérature, que j’ai fait boire la médecine à Claire à sept heures un quart du matin et que depuis onze heures, elle, la médecine, FAIT EFFET. Tout cela a bien un peu interrompu mon sommeil mais je ne m’en plains pas. À propos de médecine et de cacafouillade, est-ce que ce n’est pas aujourd’hui jour d’académie ? Sans doute vous irez ? Vous seriez bien gentil de passer chez moi, chemin faisant, rien que le temps de donner et de recevoir un baiser : je vous en serai éternellement reconnaissante et je vous remettrai la moitié de vos [crimes ?] d’hier pour la bonne action d’aujourd’hui, SI VOUS LA FAITES, ce qui est peu probable soit dit sans vous offenser.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 81-82
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette


27 janvier [1842], jeudi soir, 4 h. ½

Ce n’est pas le mauvais temps qui t’empêche de venir aujourd’hui, mon Toto, puisqu’il fait doux et beau, mais probablement c’est l’indifférence, le pire de tous les obstacles, et le moins franchissable. Tu pensesa, mon cher adoré, que je ne suis rien moins que gaie et tu n’exigesb pas de moi que je me contraigne au point de le paraître. J’ai soigné ma fille depuis tantôt, tout s’est très bien passé et j’espère qu’il n’arrivera rien d’ici au quinze février, époque fixée par le Triger comme celle où il n’y a plus rien à craindre absolument. Je voudrais bien savoir celle où on n’a plus rien à redouter d’un amour qu’on ressent et qu’on n’inspire pas. Peut-être aurai-je le courage d’attendre jusque-là mais j’ai grand peur que ce soit un mal incurable et dont on est délivré qu’à la mort. Tu vois, mon pauvre adoré, que si je suis aussi stupide qu’à l’ordinaire, je suis beaucoup plus triste et tu sais aussi d’où cela vient et il te serait peut-être possible de l’empêcher. Je sens que si je te voyais que je serais guérie tout de suite, surtout si tu me prouvais que tu m’aimes autant qu’autrefois. Hélas ! ça n’est ni probable, ni possible et tout ce que je peux raisonnablement espérer, c’est que tu viendras un moment ce soir le plus tard et le moins longtemps possible.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 83-84
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « pense ».
b) « exige ».

Notes

[1Claire, fille de Juliette, a eu la rougeole.

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