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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 janvier [1842], mardi midi

Bonjour mon cher bien-aimé ! Bonjour mon ange consolateur. Bonjour, bonjour, je t’aime. Je ne suis pas levée car je suis si abattue que je ne sais pas ce que je ferai d’ici à ce que tu puisses me venir chercher pour aller chez ma fille. Ma pauvre fille, comment va-t-elle ? Pourvu qu’il ne lui arrive rien, pourvu qu’elle n’ait pas de refroidissement. Je ne peux pas m’empêcher d’avoir les plus affreuses inquiétudes. Je donnerais tout au monde pour qu’elle fût dans mon lit. Hélas, j’ai eu une bien mauvaise inspiration en la laissant retourner à la pension, mais tu m’as promis qu’il ne lui arriverait rien et je crois en toi comme en Dieu, mon adoré. N’est-ce pas que tu te mettras entre le malheur et moi ? N’est-ce pas, mon Victor chéri, qu’il ne lui arrivera rien ? Je t’attends mon amour quoiqu’il soit probable que tu ne puissesa venir qu’après l’académie. Je suis dans un état hideux, je ne peux ouvrir les yeux, j’ai des douleurs au cœur à crier, mais si ma fille va bien, si rien n’est dangereux, je reviendrai guérie et bénissant toi et Dieu. J’espère qu’on ne négligera rien pour empêcher les accidents fâcheux de survenir mais c’est toujours bien affreux de ne pouvoir pas s’en rapporter à soi dans des circonstances comme celle-ci et d’être suspendu à ce fil si mince, la sollicitude d’une maîtresse de pension. Le jour où je ne craindrai plus sera un bon jour pour moi et dont je rendrai grâce au bon Dieu. En attendant, je t’aime et je n’oublierai jamais les bonnes paroles de consolation et d’espoir que tu me donnais cette nuit. Je n’en ai pas perdu une seule. Elles sont toutes dans mon cœur, mon Toto bien-aimé. Merci du fond du cœur. J’ai confiance en toi comme en Dieu.
Je t’attends mon cher ange.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 27-28
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

a) « puisse ».


11 janvier [1842], mardi soir, 4 h. ½

Je t’attends, mon pauvre bien-aimé. Je t’attends depuis ce matin avec une impatience qui fait paraître les minutes des heures. Est-ce que tu ne vas pas venir ? Mon Dieu, c’est pourtant bien nécessaire ! Je viens de voir Mme Triger qui est venue elle-même me dire l’heure à laquelle son mari est chez lui et les précautions à prendre pour que cette rougeole ait son cours sans accident. Moi, je suis prête depuis tantôt et, quoique malade, j’ai trouvé le courage de faire toutes mes affaires en t’attendant. Mignon l’épicier est venu. Je l’ai fait payer mais, mon Dieu, que tu tardes à venir, mon cher bien-aimé. S’il arrivait quelque chose à ma fille, j’en deviendrai folle car chaque minute de retard me pèse comme un remords. Mon Toto bien-aimé, est-ce que tu ne m’entends pas ? Il me semble qu’à ta place, j’aurais fait l’impossible. Je suis vraiment bien malheureuse et bien tourmentée, mon bien-aimé. J’aurais dû convenir avec toi de ne pas t’attendre, je serais chez ma pauvre fille depuis longtemps et je saurais à quoi m’en tenir sur sa position qui me tourmente malgré moi plus que je n’ose le dire. Mon bien-aimé, je ne t’en veux pas mais je suis bien malheureuse. Voici la nuit. Mais où es-tu donc, qu’est-ce qui peut passer avant un pareil tourment dans ton esprit et dans tes affaires ? Si je suis injuste, je t’en demande pardon mais je souffre mon pauvre ange.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16348, f. 29-30
Transcription d’Hélène Hôte assistée de Florence Naugrette

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