Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1835 – Lettres datées > Septembre > 18

Aux Metz, vendredi matin [18 septembre 1835], 8 h. ½

Bonjour, toi que j’aime, bonjour, mon cher Toto, comment as-tu passé cette nuit, as-tu pensé à moi dans tes rêves ? M’as-tu bien aiméea ? Moi, cela va sans dire, tu n’es pas seulement une pensée dans mes autres pensées, un amour parmi d’autres affections, tu es tout ! Hors toi, il n’y a rien en moi, rien du tout.
Je me suis couchée hier à 10 h. parce que j’étais un peu lasse, j’étais sur mes 11 depuis midi jusqu’à 7 h. ¼. Vous voyez bien, mon cher petit Toto, que je pouvais bien avoir besoin de mon lit.
M. Pernot [1] était venu hier, il avait dit au père Labussière qu’il vendrait son bois, c’est-à-dire sa demie corde 25 francs. Tu penses bien que je n’ai pas accepté ce marché. Ce n’est pas d’une provision de bois dont j’ai besoin mais d’un peu de bois pour me chauffer dans les temps de pluie. J’ai donc envoyé le père Labussière à Jouy m’en chercher un demi-quart. C’est le moins qu’on en peut acheter. Avec quelques fagots, cela fera notre affaire très bien sans tant de dépenses.
Le temps me paraît encore très menaçant, mais nous pouvons nous moquer de ses menaces dans notre petite maison, pourvu qu’il ne t’empêche pas de sortir de chez toi ! J’espère que non et que nous passerons une bonne et charmante journée aujourd’hui dans les bras l’un de l’autre.
Voici venir le père Labussière. Je m’en vais savoir combien coûte le bois. À bientôt, mon bien-aimé, je serai au rendez-vous à moins qu’il ne pleuve des hallebardes la pointe en bas… et encore, avec un bon parapluie, on pourrait s’en tirer. Nous verrons. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16324, f. 268-269
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « m’as-tu bien aimé ».


Aux Metz, vendredi soir [18 septembre 1835], 8 h. ¾

Je n’ai pas la force de t’écrire tant je suis fatiguéea, mais que je t’aime donc, mon Dieu ! Je suis moulue mais je suis ravie, je ne peux plus remuer ni bras ni 11 mais je t’adore. J’ai des ampoules aux pieds et aux mains, mais jamais je n’ai été plus heureuse qu’aujourd’hui.
J’ai mangéb comme quatre d’un lapin qui pourrait à lui tout seul rassasier la ville de Jouy. Figure-toic qu’on a été obligé de le faire cuire dans un chaudron  !!!
Nous sommes arrivés en nous pressant de toutes nos 11 à 7 h. 5 m. J’ai dîné à 8 h. ½ et me voilà.
J’ai regardé tout le long du chemin si je retrouverais le cadavre de ce pauvre illis. mais je ne l’ai pas retrouvé. Je pense qu’il aura été finir ailleurs ce qui lui restait d’existence.
Je ne sais pas encore si je vais lire. Il faut que je fassed mes comptes, que je mette mes papillotese, après je verrai mais je suis bien lasse. –f
Bonsoir, mon chéri, bonsoir, mon adoré, bonsoir, mon grand Toto, dormez bien, ne vous fatiguez pas et surtout aimez-moi comme je vous aime, si cela est possible. Je vous baise dix cent mille de fois.

Juliette

Ne regrettez pas l’histoire de nos journées, cela est bien mieux écrit dans mon cœur que sur du papier. Aussi on ne risque pas que les feuillets se perdent.

BnF, Mss, NAF 16324, f. 270-271
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « fatigué ».
b) « j’ai mangée ».
c) « figures-toi ».
d) « fasses ».
e) « papillottes ».
f) Juliette trace un trait jusqu’à la fin de la ligne.

Notes

[1M. Pernot, employé au ministère de la Guerre et maire de Vaugirard depuis 1831, est le propriétaire de la maison où loge Juliette, dans une chambre mansardée, aux Metz [Jean-Marc Hovasse, ouvrage cité, t. I, p. 633].

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne