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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1835 > BnF, Mss, NAF 16323, f. 165-166

Jeudi soir, 8 h. ¼

Mon Victor, tu m’aimes donc autant que je t’aime ? Ces quelques minutes que tu as ajoutéesa ce soir au bien court moment de bonheur que nous avions eu à être ensemble aujourd’hui, en est-ce une preuve ? Tu m’aimes, c’est bien vrai, tu m’aimes. Je suis toute réjouie au dedans de moi comme si c’était pour moi une heureuse nouvelle que j’aurais attendue pendant longtemps. Mercib, mon cher bien-aimé, pour tout le bonheur que tu me donnes. Je te dois tout ce qu’il y a d’heureux et de tranquille dans ma vie, je te dois mon amour, je te dois mon honneur ! Mercib, mercib. Voilà ma vie, voilà ma pensée, voilà mon âme. Fais-en ce que tu voudras. Que je t’aime et que tu m’aimes, c’est tout ce que je veux.
Tu trouves peut-être que je déraisonne et que j’arrange mes pensées à l’envers, prends-toi à mon amour qui m’enivre, qui me rend folle.

Juliette

ET NOTRE ANGELO ?

11 h. du soir

Je m’étais trop pressée de me réjouir du petit moment que tu venais de me donner. Je l’expie depuis tantôt par des heures d’attente vaines, par des suppositions de toutes sortes qui me serrent le cœur. Quoique je ne t’accuse pas ni que je ne t’en veuille pas, nous ne sommes pourtant convenus d’aucun signal pour nous empêcher de douter l’un de l’autre, mais j’ai dans le cœur tant d’amour pour te défendre contre toute mauvaise apparence, que cela s’entend mieux encore que le fameux refrain espagnol Yo que soy contrabandista [1].
Je viens d’entendre frapper à la porte d’en bas. Ah ! C’est toi. Mon Dieu que je t’aime.

J.

[Adresse]
À mon adoréc

BnF, Mss, NAF 16323, f. 165-166
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « ajouter ».
b) « mercie ».
c) Juliette a écrit la seconde partie de sa lettre par-dessus l’adresse.

Notes

[1« Yo que soy contrabandista » ( Moi qui suis contrebandier ) est une chanson espagnole qu’on retrouve dans Bug-Jargal, roman de Victor Hugo. Le narrateur, Léopold d’Auverney (dans la version de 1826 ; Delmar dans la version de 1819) entre un jour dans le cachot de Pierrot, un esclave noir et l’entend chanter cet chanson : « Un jour j’entrai sans qu’il parût prendre garde à moi. Il tournait le dos à la porte de son cachot, et chantait d’un ton mélancolique l’air espagnol : Yo que soy contrabandista. Quand il eut fini, il se tourna brusquement vers moi, et me cria : - Frère, promets, si jamais tu doutes de moi, d’écarter tous tes soupçons quand tu m’entendras chanter cet air. » (Bug-Jargal, CFL, t. II, p. 604)

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