28 juin 1860

Guernesey, 28 juin 1860, jeudi matin, 7 h.

Bonjour, mon pauvre cher bien-aimé. Bonjour, le plus grand et le meilleur de tous les hommes. Bonjour dans toute l’effusion de mon amour, de mon admiration et de ma vénération pour toi. Bonjour, sois béni.
Je regrette de n’avoir pas cédé hier à ton généreux conseil, non pas tant pour la femme [1] en elle-même qui a déjà beaucoup abusé de ma pitié, que pour les chers et douloureux souvenirs que ce triste mois de juin me rappelle [2]. Je sens que je devrais épargner l’ombre d’une souffrance ou d’une tristesse à quelque créature que ce soit pendant ce mois d’épreuve et d’angoisse. Aussi je te promets de trouver le moyen de faire revenir cette malheureuse blanchisseuse encore une fois, dussé-je^a perdre tout mon linge. En attendant, je voudrais savoir si tu as passé une bonne nuit à ton tour et si les petites contrariétés d’hier au soir ne t’ont pas trop agité. J’ai hâte d’être hors de ce mois de juin qui ne finira que samedi en même temps que l’entreprise de ta généreuse femme [3]. Espérons que d’ici là il ne surgira pas d’autres ennuyeuses complications sous prétexte de morale publique de loterie de charité. Il est probable que M. Martin [4] vous ôtera tout souci de ce côté ce matin. En attendant, je te baise de l’âme de la tête aux pieds.

BnF, Mss, NAF 16381, f. 169
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette

a) « dussai-je ».