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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 mai 1842

28 mai [1842], samedi matin, 10 h. ¾

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour mon petit homme adoré, bonjour, bonjour, je t’aime. Ne sois pas triste ma vie, ne sois pas inquiet mon amour, je t’assure que notre cher petit bien-aimé n’est pas malade sérieusement. Ne te tourmente pas mon pauvre bien-aimé, ne sois pas malheureux mon petit homme chéri, je t’en prie, je t’en prie car il n’y [a] aucun danger pour ton petit garçon. T’avoir vu triste cette nuit m’a agitée au point de ne pouvoir pas m’endormir. Je ne peux pas supporter la pensée que tu peux être triste et chagrin, mon cher adoré. Mais tranquillise-toia, mon Toto, je t’assure que cela ne sera rien. Je le sens dans le cœur comme si je le voyais avec les yeux. Comment vas-tu ce matin, mon Toto ? Comment vont tes yeux bien-aimés ? J’espère que cette pommadeb va te faire du bien. Déjà cette nuit ils étaient moins fatigués qu’à l’ordinaire. Il te faudrait du repos et la campagne, mais la campagne avec moi car si tu en usais sans moi, Dieu sait ce que je deviendrais. Je n’ose pas te demander quand nous partirons, et si nous partirons jamais, je commence à désespérer car nous ne sommes pas heureux cette année. Pauvre bien-aimé, je ferai de mon mieux pour rapporter cette atroce privation et j’y parviendrai peut-être si tu m’aimes et si tu viens souvent déjeuner avec moi. Prends garde à tes pieds mon cher petit homme, le temps est bien vilain.
Claire est à confesse avec Mlle Hureau et reviendra Dieu sait quand. Moi je fais tous mes arias et la cuisine de Fouyou et puis je vous aime, je vous aime, je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 83-84
Transcription de Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « tranquilise-toi ».
b) « pomade ».


28 mai [1842], samedi soir, 4 h. ½

Mon cher petit bien-aimé, tu ne sens donc pas que je te désire, que je t’aime et que je souffre de ne pas te voir. Je suis triste, triste, triste. J’ai toujours présent à la pensée ton petit air tourmenté et malheureux de cette nuit et cela redouble mon impatience de te voir pour savoir si tu es plus tranquille et pour te caresser de toute mon âme. Ma pauvre Clarinette vient de rentrer tout à l’heure avec une faim enragée ; depuis hier le dîner elle n’avait mangé qu’un petit pain d’un soir, aussi la pauvre fillette a-t-elle dévoré tout ce qui lui est tombé sous la dent en rentrant à la maison. Je viens d’envoyer chercher chez Lambin une drogue pour mettre dans les habits et dans la fourrure, pouah quelle infamie, je n’ai jamais rien senti de plus mauvais, si les vers et les mitesa ne sont pas effarouchés par cette affreuse odeur, c’est qu’ils n’ont pas le nez bien fin. J’en ai pour 2 F. 5 sous. J’ai payé la semaine de l’ouvrière et me revoilà sans argent. Cependant mon pauvre bien-aimé je t’assure que j’ai bien économisé toute la semaine, si je n’ai pas d’argent, ce n’est pas ma faute, mon Toto chéri. Pourquoi ne viens-tu pas ? Est-ce que tu es encore allé aux Roches aujourd’hui ? Si tu y vas seul emmène-moi avec Claire. Je t’attendrai à notre petit rendez-vous d’autrefois. Et puis je profiterai de l’occasion pour aller revoir notre petite maisonnette où nous avons été si heureux [1]. Tu me l’as promis depuis si longtemps, mon amour, qu’il serait juste que tu me fisses enfin cette joie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 85-86
Transcription de Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « mittes ».

Notes

[1En 1834 et 1835, Hugo, invité par Bertin l’aîné en sa villégiature des Roches, dans la vallée de la Bièvre, avait loué à Juliette une maisonnette dans le hameau voisin des Metz.

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