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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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11 mars 1853

Jersey, 11 mars 1853, vendredi matin, 8 h.

Bonjour, mon immense petit homme, bonjour, mon incommensurablement BLAGUEUR petit Toto, bonjour. Nous verrons quelle sera la nouvelle défaite que vous me donnerez aujourd’hui pour ne pas me faire sortir de mon trou au grand jour et au bon soleil. Cependant, le besoin pour moi s’en fait trop vivement sentir pour que je ne remarque pas avec tristesse tous vos ajournements successifs et plus ou moins mal justifiés. De là viennenta souvent mon découragement et ma défiance pour les promesses peu sérieuses que tu me fais et seulement avec l’intention de te débarrasserb, jour à jour, de mes réclamations importunes. Maintenant, mon cher petit homme, permis à vous de jeter votre sonde dans mon abîme d’inepties, mais je crois que vous n’irez pas bien loin sans rencontrer votre mauvaise foi au fond et couvertec de toutes vos menteuses promesses comme autant de madrépores, de polypes [1] et de crustacés. Mais C’EST ASSEZ pour faire remonter votre propre boulet-te jusque par-dessus votre nez et pour vous montrer que je ne suis pas si heureuse et si bête que vous voulez me le faire croire. Cette démonstration étant victorieuse et le fait étant acquis désormais à la science, vous êtes forcé d’inventer une autre photographie et de varier vos daguerréotypes Chaumontel [2].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16373, f. 247-248
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette et Gérard Pouchain

a) « vient ».
b) « débarasser ».
c) « couvertes ».


Jersey, 11 mars 1853, vendredi matin, 11 h.

Je fais tous mes efforts pour être selon le temps, mon doux petit homme, c’est-à-dire pour être heureuse et gaie, mais c’est une besogne un peu difficile à bien faire à moi toute seule. Aussi, je crains bien de ne pas en venir à bout, autant que tu le voudrais. Mais si, par impossible, tu venais me chercher pour faire une petite promenade à travers champs, je t’assure que ce qui me paraît impossible à présent, être très gaiea et très heureuse, me serait très facile et je dépasserais même de beaucoup le bonheur Réaumur que tu exiges de moi. En attendant, je me prépare à rester chez moi toute la journée et je borne mon ambition à te voir un peu avant ton dîner car je ne veux pas faire d’un désir exprimé une tristesse formulée qui dégénère en SCIE pour toi. Peut-être viendras-tu un peu ce matin, avant ou après ton déjeuner. C’est le moment plus que jamais de te montrer un sourire heureux. Je suis toute prête, mon cher petit homme, à te prouver mieux encore qu’un sourire, c’est que je t’aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16373, f. 249-250
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette et Gérard Pouchain

a) « gai ».

Notes

[1Madrépores et polypes sont des images récurrentes chez Hugo étudiées par Judith Wulf, « Le polype et le madrépore comme formations discursives romanesques », Victor Hugo et la langue, textes réunis par Florence Naugrette et Guy Rosa, Actes du colloque de Cerisy, Août 2002, Groupe Hugo Université Paris 7, Éd. Bréal, 2005, p. 169-187.

[2Se faire photographier devient pour Hugo un autre moyen de justifier ses absences auprès de Juliette au même titre que « l’affaire Chaumontel ».

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