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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 décembre [1839], lundi après-midi, 1 h. ½

Bonjour, mon petit bien-aimé, bonjour, mon adoré, comment vas-tu, mon petit homme ? Je t’ai vu, mon Toto, je t’ai embrassé, mon amour, je suis heureuse et gaie. Tâche que je n’use pas mes petites provisions de bonheur en t’attendant trop longtemps. J’ai bien travaillé comme tu vois quoique je t’écrive tard et que je n’aie pas encore déjeuné. J’ai eu un tas de choses à faire ce matin et puis je me suis levée tard, mes nuits depuis quelques jours se font si mal que j’anticipe sur la journée pour me donner un peu de repos. Je vais envoyer chez Claire tout à l’heure. J’écrirai aussi une lettre à Mme Krafft que tu verras. Il faut enfin que je sache si elle est morte ou en vie. Jour papa. Jour Toto. Merci Toto. J’aime bien mon petit livre parce qu’il y a ton nom dedans. Je l’aime, ton cher petit nom, je le baise des lèvres ou des yeux partout où je le vois. Je l’aime, je l’aime, il n’y a que toi que j’aime mieux. Tu as raison, mon Toto, de ne pas me faire sortir de ce temps-là. Il fait vraiment trop vilain mais demain s’il fait beau, je te tourmenterai pour aller voir NOS armoires. J’espère que je suis délicate car je pourrais dire mes armoires à la rigueur mais je ne veux pas vous désespérer par ce pronom par trop possessif et je vous laisse dans le doux espoir d’une armoire à vous. Baisez-moi et riez tout de suite ou si non je vous fiche des coups. Baisez-moi. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 191-192
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse


23 décembre [1839], lundi soir, 5 h. ½

C’est encore moi, mon adoré, à quelque heure du jour et de la nuit, c’est toujours moi qui viens cogner à la porte de ton bon petit cœur pour savoir si mon amour y est toujours et s’il ne s’endort pas comme un vieux paresseux. Quand je dis mon amour, c’est le tien que je veux dire, car le mien, c’est le tien et le tien c’est le mien. Suzanne est revenue de la pension et de chez la mère Lanvin. Je lui avais dit d’y passer en allant chez Claire avec un bout de lettre pour la mère Lanvin pour la prier si elle avait reçu de M. Pradier l’argent des étrennes de Mlle Hureau de le donner à la bonne qui le porterait tout de suite à Claire mais il paraît qu’elle n’avait rien reçu et que Claire était sortie ainsi que plusieurs autres avec Mlle Hureau, probablement elles étaient à confesse. Pendant ce temps, j’ai reçu mon blanchisseur que j’ai payé, je me suis coiffée et débarbouillée et puis je t’écris. J’ai aussi lu, tantôt, l’article du Siècle [1] qui est on ne peut plus juste et on ne peut plus vrai, mais que peut la vérité sur [illis.] [illis.] de vieux filousa comme Baour [2], Dupatyb, Tissot et autres [3] ? Rien évidemment et c’est pour cela que je ne réponds pas du succès de ton élection dans trois mois pas plus qu’il y a trois jours. Au reste, le vrai succès, c’est l’opinion publique toutb entière pour toi, ce sont les votes de tout ce qu’il y a d’intelligent et d’illettré dans cette boutique et de ce côté-là, tu n’as rien à désirer, Dieu merci. Moi, je parle de tout cela comme un aveugle des couleurs. Mais je t’adore, voilà.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 193-194
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « filoux ».
b) « Dupatis ».
c) « Toute ».

Notes

[1Dans la livraison du 22 décembre 1839, Pierre Durand, en rez-de-chaussée du journal, traite pour le feuilleton littéraire de l’élection ajournée du 19 décembre. Prenant nettement parti pour la supériorité littéraire de Victor sur ses deux principaux concurrents, Berryer et Casimir Bonjour. Il stigmatise les atermoiements de l’académie.

[3Ces trois académiciens sont de farouches opposants à la candidature de Hugo. Ils ne voteront toujours pas pour lui l’année suivante, quand Hugo sera élu en janvier 1841.

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