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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 décembre [1839], mardi, midi ¼

Bonjour, mon Toto chéri, bonjour, mon petit bien-aimé adoré. Je n’ai pas encore passé ta tisanea quoique je me dépêche beaucoup, mais j’ai voulu auparavant, et dans le cas où tu en aurais besoin ce matin, copier ta noble lettre à ce stupide Guiraud. Je viens de finir. À présent, aussitôt que je t’aurai écrit, je ferai ta tisaneb, je brosserai mes affaires d’hier et je déjeunerai.
Nous avons été bien heureux cette nuit malgré les bas à l’envers et en dépit du tabouret. Quand je sens que tu m’aimes, je suis dans le paradis et la plus heureuse femme du monde. Aussi cette nuit je n’aurais pas donné ma place dans tes bras pour la place de Dieu lui-même. Merci, mon adoré, merci, mon bien-aimé, tu as été bon et adorable, merci. J’aurai mon armoire, PHAME. Il n’aurait pas été juste que la non élection de Casimir Bonjour [1] ou plutôt la remise de son élection m’empêchâtb d’avoir mon armoire bien légitimement gagnée, et qui aurait pu être vendue d’ici à six semaines. Donc, vous avez pris le bon parti de me la donner quellec que soit l’issue de la séance de jeudi, car de toute façon, vous ne serez pas nommé. Je voudrais que ce stupide jour fût passé, car moi aussi je me pique au jeu et la moutarde me monte furieusement au nez et pour peu que ça continue encore quelque temps, je tomberai sur les carcasses faisandées de ces affreux bonhommes et je les démolirai à coups de trique. Je suis furieuse pour de bon cette fois-ci. Ces vieux oisons qui font les dégoûtésd me font bouillir le sang et ce serait avec délices que je leur donnerais une pile à mort. Je t’aime, toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 169-170
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « tisanne ».
b) « m’empêcha ».
c) « quel ».
d) « dégoûttés ».


17 décembre [1839], mardi soir, 6 h. ¼

Qu’est-ce que vous devenez, mon cher petit bien-aimé ? Où êtes-vous et que faites-vous que je ne vous vois pas ? La journée me paraît bien plus longue encore quand je ne vous ai pas vu un pauvre petit quart d’heure dans toutea sa durée. C’est ce qui m’arrive aujourd’hui. J’ai reçu une lettre dont je ne connais pas l’écriture : quand tu viendras nous verrons ce que c’est. Du reste je n’ai vu personne. Je suis seule comme un pauvre loup et pour m’égayer je refais et je défais mes haillons, c’est un plaisir médiocre et que je troquerais bien volontiers contre un voyage de deux mois avec vous n’importe où. Voilà mes marchés à moi. J’espère que si vous y topiez, je n’y perdrais pas mais il n’y a pas de danger de ce côté-là et pour changer, je vous attends et je vous désire 23 heures et demie sur 24. Il ne me reste pas grand temps pour vous donner mon corps, mon cœur, mon amour, ma vie et mon âme, j’ai beau me dépêcher, vous m’en laissezb toujours plus que je ne vous en donne. Dans ce moment-ci, je voudrais te dévorer, j’ai un appétit de toi qui me porterait à toutes sortes d’extrémités si je te voyais. Hum !... Baisez-moi, vieux Toto. Baisez-moi et venez tout de suite ou sinonc je me fâche. Papa est bien i. Voime, voime surtout depuis qu’il est candidat en reniflant que je le dis. J’aimerais bien que vous ne fussiez que mon amoureux comme je ne suis que votre amoureuse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 171-172
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « tout ».
b) « laisser ».
c) « si non »

Notes

[1Casimir Bonjour est le concurrent de Hugo à l’Académie Française.

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