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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 août [1839], jeudi matin, 9 h. ¾

Bonjour, mon petit bien-aimé, bonjour, mon cher petit Toto, comment vas-tu ? Moi je vais bien, l’espoir de notre voyage très prochain me rajeunit de quinze ans, c’est-à-dire me rend à L’ENFANCE. Je ne vous grogne pas parce que je pense au troisième acte et puis au quatrième [1] et puis au bonheur qui est derrière, mais je n’en pense pas moins que vous êtes un vilain de ne pas venir passer auprès de moi les quelques heures de repos indispensables que vous êtes forcé de prendre. Aujourd’hui, il fait un temps exquis, pas chaud, pas froid, comme je l’aime. S’il pouvait faire ce temps-là tout le long de notre petit voyage, ça m’arrangerait joliment bien, et puis s’il fait un temps affreux, ça m’arrangera encore parce que je serai avec vous. Voilà mon chica. Je vous aime, moi. Vous devriez être honteux de me laisser faire l’amour toute seule. Un autre que vous s’estimerait si heureux d’inspirer seulement le quart de la passion que j’ai pour vous, que vous êtes bien coupable d’y être aussi indifférent qu’un morceau de bois flotté l’est à la pluie. Nous verrons si le loisir, le repos, la campagne et les vieux clochers vous rendront L’ENTHOUSIASME de nos beaux jours, ceux des ROCHES [2] par exemple, j’y ferai tout mon possible pour ma part, mais je n’ose pas l’espérer. C’est à vous à vous relever des PIEDS DE CHIMENE et dans son opinion. Baisez-moi et riez tout de suite quoique ce ne soit pas drôle du tout. Je vous aime qu’on vous dit. Je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 257-258
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « chique ».


22 août [1839], jeudi soir, 8 h. ¾

Je t’écris en compagnie de Mme Pierceau qui est venue dîner ainsi qu’elle me l’avait dit l’autre soir avec son petit garçon. Je l’entends qui jabotea à mes oreilles et qui me montre des souliers et des brodequins qu’elle a fait arranger. Moi qui pense à toi, je n’écoute rien et je continue ma petite lettre sans en tenir compte. Je voudrais vous baiser mon amour, voilà mon opinion politique pour le quart d’heure. J’ai raconté à Mme Pierceau l’histoire du [illis.] à qui les cheveux, je dis les cheveux de Mme Pierceau, car ma rédaction donnerai à croire le contraire, se dressaient. Enfin elle est de mon avis en supposant que le susdit ait été à l’opéra et autre part s’il n’a pas commis le viol pour lequel il est condamné, c’est un MARTYR. Moi qui ne suis pas allée chez les filles, je suis aussi une martyre parce que je vous aime et que vous ne me le rendez pas. TAISEZ-VOUS. TAISEZ-VOUS. Et baisez-moi, baisez-moi et baisez-moi. Tâchez donc de venir de bonne heure ce soir, vous serez très gentil et le très bien venu. Jour Toto. Je vous aime. Je vous aime. Je voudrais être dans la diligence. Quel bonheur !!!!!b Dépêchez-vous de faire votre troisième et votre quatrième acte, et lisez-les-moi tout de suite car je ne l’aurai pas volé au train dont je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 259-260
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « jabotte ».
b) Les cinq points d’exclamation courent jusqu’à la fin de la ligne.

Notes

[1Hugo compose Les Jumeaux qu’il laissera inachevés.

[2Résidence des Bertin.

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