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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 août [1839], mardi matin, 10 h. ¼

Bonjour, mon petit homme, bonjour mon Toto adoré, bonjour, bonjour. C’est dans dix jours : [tout est  ?] dit. Quel bonheur. [illis.] vraiment ce jour-là je serai au comble de mes vœux. Comme nous allons être heureux tout un mois. Peut-être six semaines de bonheur, de bonheur complet sans interruption, sans [mélange  ?], presque sans [fin  ?] car pour une pauvre femme qui te voit à peine dix minutes par jour à travers ta rêverie et ton travail, six semaines de bonheur, c’est plus que six millions de louis à qui n’a que deux sous. Tu penses qu’avec ce [illis.] dans ma gueule comme les crocodilesa, tu peux venir facilement à bout de moi pendant les dix jours qui vont suivre et que je ne pourrais même pas avoir la force de grogner si tu ne viens pas déjeuner une pauvre petite fois avec moi. À propos, mon adoré, j’ai oublié de te dire que j’avais vu hier au soir ma Joséphine et sa sœur Eulalie. Je me dépêche pendant que j’y pense de te le dire à fin que tu ne crois pas que je voulais te le cacher. J’ai encore oublié de te dire que Mme Krafft m’avait dit que Jourdain avait fait de mauvaises affaires, non pas faillite ni banqueroute mais demander du temps pour payer parce que ses rentrées ne se faisaient pas. Je l’aurais cru plus riche que ça. Enfin me voilà au pair avec tous mes oublis. Je n’ai plus rien dans mon sac, sinon ce qui n’en sortira jamais : mon amour et mon adoration pour toi. Baise-moi, mon Toto, et pense à moi avec amour. Dans dix jours ! Dans dix jours ! Nous serons dans le paradis ou du moins sur la route.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 249-250
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « crocodilles ».


20 août [1839], mardi soir, 5 h. ¾

Mme Pierceau ne sortait pas ce soir, ainsi mon Toto je n’ai rien dérangéa, je profite du jour et de ce que le dîner n’est pas prêt pour t’écrire tout de suite. J’ai le cœur un peu brouillé, mon amour. Cette séance aux deux endroits et avec tant de regards fixés sur vous, tout cela me galopeb d’une furieuse façon et me rend médiocrement heureuse. Enfin [illis.] touche à sa fin, à moins qu’il n’arrive unec effroyable anicroche, auquel cas tu n’auras qu’à faire fouiller le canal car j’y aurai élu mon domicile. Je suis triste, triste, la mère Pierceau n’est pas gaie, de sorte que nous faisons un duo charmant accompagné du piano de la voisine. Heureusement que nous n’avons pas de député dans notre appartement car il pourrait se croire charivarisé. Mon Dieu qu’on est bête quand on est malheureux. Il n’y a que le chagrin pour vous jouer de ces tours-là, si ce n’est pourtant le bonheur qui lui aussi vous rend stupide. Ma lettre est très bête et je ne sais pas si tu pourras retrouver sous ce fouillis de mots l’amour excessif et malheureux qui remplitd mon cœur et le déborde. Je donnerais tout au monde pour que tu n’aies pas été à cette distribution cependant je sens bien que pour les pauvres petits goistapioux c’était bien nécessaire, mais moi je vous aime et je suis jalouse, c’est-à-dire le tigre noir inapprivoisée.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16339, f. 251-252
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « déranger ».
b) « galoppe ».
c) « un ».
d) « rempli ».
e) « inaprivoisé ».

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