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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 décembre [1836], vendredi soir, 4 h. ½

Mon cher petit homme, depuis que vous êtes parti, je ne me suis occupée que de ranger mes grandes armoires de la petite chambre. J’ai voulu profiter du jour pour faire cette besogne indispensable. Je viens de finir seulement à présent. Si je n’ai pas pu vous écrire plus tôt, je n’ai pas cessé de penser à vous, ce qui est tout à fait la même chose pour le sentiment.
Si vous arriviez à présent vous me trouveriez pâle à faire plaisir et frisée à faire peur au diable. Il est vrai que votre refrain et celui-ci :
ça m’est égal, j’en trouverai de plus de gentille etc……………………a
J’en trouverai de plus gentil------ le !
La propriétaire m’a apporté langoureusement le bail à renouvelerª ; comme elle étai pressée, ce n’est qu’après coup que j’ai pris connaissance du susdit bail, écrit dans la langue huronne des propriétaires, et qui nous imposerait, si nous étions assez mohicans pour la souffrir, la nécessité de laisser les six mois payés d’avance imputables sur les dix derniers mois du renouvellement, ce que je trouve parfaitement abusif et irrégulièrement oppressif. Êtes-vous comme moi ?
Ha ça, est-ce que vous ne me ferez pas sortir ce soir, par le beau temps qu’il fait ? Je désirerais que ce soit avant 3 h. du matin. C’est peut être un peu tyrannique, mais enfin tel est mon désir. Ainsi donc je vous somme et au besoin je vous assomme de me promener ce soir dans un espace de terrain quelconque. Je vous laisse le choix.
Je continue mon système. Je vous aime, peut être que plus tard je vous aimerai et qu’enfin je finirai par vous aimer. En attendant je prends la liberté de vous adorer, jusqu’à ce qu’il plaise à votre majesté de me permettre de lever les yeux sur un peu plus haut que ses sacrés pieds. Êtes-vous encore sur la montagne Ô moderne Moïse ? Ou bien en êtes-vous redescendu avecc la nouvelle table de la loi de la propriété littéraire dans votre poche au milieu des Hébreux de la commission ?
Je voudrais le savoir, parce que ma pensée ne vous quittant jamais, je voudrais toujours savoir ce que vous faites, ce que vous dites et où vous êtes, chose extrêmement impossible avec vous. Enfin, c’est égal, j’en suis pour ce que je vous ai déjà dit depuis quatre ans : je vous aime de tout mon cœur, de toutes mes forces et de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16328, f. 199-200
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette

a) Les points de suspension courent jusqu’à la fin de la ligne.
b) « renouveller ».
c) « avec avec ».

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