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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 20 déc[embre] [18]72, vendredi matin, 8 h. ¾

Cher bien-aimé, comment as-tu passé la nuit ? Ta courte apparition tout à l’heure ne me le dit pas. Mais je serais bien heureuse d’apprendre que tu as bien dormi en raison même de ton surcroît de fatigue d’hier. En attendant que tu me disesa toi-même tantôt comment s’est comportéeb ta nuit, je t’aime à cœur, que veux-tu ? J’étais levée avant sept heures ce matin, en pleine nuit, et Suzanne aussi car il s’agit de terminer enfin notre branle-bas aujourd’hui, si nous pouvons. Aussi, je m’épêche, je m’épêche, je m’épêche sans avancer à rien. Il est vrai que mes aides ne sont rien moins qu’en train de travailler en ce moment. On m’assure que la Broisine [1] doit venir chercher de l’argent pour son marché demain ; il faudra avoir recours à la caisse de Suzanne encore cette fois-ci ; je t’en avertis pour que tu ne t’étonnesc pas du total qu’il faudra bien rembourser quand viendra le moment. Cela dit, je passe à autre chose, plus intéressantd pour moi. Je t’adore ! « Si cette histoire vous ennuie, nous allons la recommencer [2] ». Il n’est pas probable que Mademoiselle Jun [3] soit partie ce matin car la mer me paraît peu encourageante, surtout pour les personnes qui craignent d’être malades. Au reste, ce n’est peut-être pas le cas de cette demoiselle. Le mien c’est que je t’aime sans démarer [4], par tous les temps et sous toutes les latitudes ; mon cœur est toujours tourné vers toi comme l’aiguille au pôle.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 350
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette

a) « dise ».
b) « comporté ».
c) « t’étonne ».
d) « intéressante ».

Notes

[1Jeu de mot sur « voisine » et Ambroisine, au service de Juliette Drouet.

[2Citation qui rappelle les paroles de la chanson Petit Navire : « si cette histoire vous amuse, nous allons la recommencer ».

[3Mlle Louise Yung, professeur de français à Plymouth en Angleterre, amie et correspondante de Victor Hugo et de Georges Métivier (le poète national guernesiais) depuis 1866. Elle rencontrait Hugo, qui l’admirait beaucoup, à Guernesey, à Bruxelles ou à Paris.

[4Néologisme : verbe créé à partir de l’expression « larguer les amarres », littéralement donc « je t’aime sans partir, sans m’arrêter ».

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