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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 3 novembre, [18]65, vendredi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher petit piocheur, bonjour. Je t’admire, je te souris, je t’aime. J’espère que ton signal matinal [1] veut dire : very good nuit et je m’en réjouis. Moi aussi j’ai passé une bonne nuit et je me porte très bien. Quand je pense où nous étions il y a huit jours à pareille heure j’en ai la chair de poule [2]. Quel bonheur d’être hors de tous les ennuis et de toutes les fatigues, des chemins de fer et des packets [3], surtout à ce moment-ci de l’année. Je remercie Dieu de nous avoir si bien piloté, quoi qu’un peu rudement, et je te remercie aussi du fond du cœur, toi mon doux compagnon de vie et de voyages, de ton angélique patience, de ton dévouement sans borne, de ta bonté sublime pour moi [4]. Sois béni dans ton œuvre, dans ta famille et dans ta gloire comme tu l’es par mon amour. Je voudrais avant d’envoyer payer l’assurance en causer avec toi, car je ne sais plus à combien cela se monte. Marquand ayant lui-même fait refaire l’assurance pour la maison et pour le mobilier, peut-être serait-il bon de consulter la nouvelle police avant d’envoyer Suzanne payer au hasard. Tu sais que tous mes papiers sont enfermés dans la cassette avec toutes les autres choses précieuses qu’il faut que tu ouvres pour toi-même le plus tôt possible. Donc j’attendrai que tu viennes baigner tes chers yeux avant de rien décider. Je suis bien contrariée que Marquand ait pris cette nouvelle attitude vis-à-vis Kesler et qu’il ne veuille plus se rencontrer avec lui chez moi [5]. Nous n’avions pas besoin de ce petit embargo sur nos bonnes petites habitudes hospitalières ; sans compter tout ce qu’on doit écrire et papoter là-bas. Enfin il faut prendre notre parti de cette mauvaise humeur du jeune marié [6] et attendre qu’elle se passe. Ce qui arrivera d’autant plus vite des deux côtés qu’on n’y mettra moins d’importance. Pourvu qu’on respecte notre bonheur intérieur et la tranquillité de ton [illis.] petit Toto. Je n’en demande pas davantage.

BnF, Mss, NAF 16386, f. 164
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Voir Torchon radieux.

[2Juliette et Hugo ont quitté Bruxelles le 25 octobre précédent après quatre mois de vacances entre la Belgique et l’Allemagne. Ils devaient embarquer à Ostende en direction de Douvres mais une forte tempête les a empêchés de quitter le continent et a retardé leur arrivée à Guernesey.

[3Navire assurant la liaison avec le continent. Il transporte le courrier, les marchandises et des passagers.

[4Juliette supporte très mal les voyages en mer.

[5Une forte dispute a éclaté entre les deux amis de Victor Hugo : Henri Marquand et Hennett de Kesler.

[6Henri Marquand s’est marié pour la seconde fois le 12 avril 1865 avec Martha de Garis, née de Putron, sœur de la fiancée morte de François-Victor Hugo. Hugo a été son témoin de mariage.

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