22 octobre 1868

Guernesey, 22 octobre [18]68, jeudi matin, 7 h. ¼

Je n’ai pas de chance, mon grand bien-aimé, je te guettais depuis un quart d’heure et je t’ai manqué encore cette fois, ça n’est pas juste [1]. Au lieu d’une joie attendue, je n’ai qu’un camouflet du sort. C’est absurde. Enfin, pourvu que tu aies bien dormi, je n’ai pas le droit de me plaindre, et si tu m’aimes, je suis la plus heureuse des femmes. J’espère que tu voudras bien nous lire ce soir ta lettre aux Espagnols [2] ; je m’en réjouis d’avance comme d’un bonheur certain que tu ne nous refuseras pas. En attendant, je fais ici fonction d’infirmière auprès de la petite Griffon. Je lui ai déjà fait prendre sa médecine et préparé son pansement. Elle va mieux et ses pieds seront, ainsi que l’assure Naftel, cicatrisés dans quelques jours. Mais la vraie guérison serait de lui refaire le sang, si c’est possible. C’est à quoi nous nous appliquons de notre mieux, Suzanne et moi. À ce propos, je viens de découvrir qu’elle est grande fille depuis le 15 de ce mois. C’est déjà un bon pas de fait vers la santé. Pardon de ce rabâchage domestique et de domestiques^a. Je t’adore. Voilà mon unique but.

BnF, Mss, NAF 16389, f. 290
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « de domestique ».