Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1840 > Avril > 16

16 avril [1840], jeudi, midi ¾

Bonjour mon cher petit bien-aimé, bonjour mon adoré, bonjour ma vie, bonjour ma joie. Je t’ai attendu toute la nuit et le matin encore et vous n’êtes pas venu, mon ravissant Toto, vous êtes un méchant et UN BÊTE. J’ai cependant une botte d’asperges que la marchande a apportée hier et que je ne mangerai certainement pas sans vous ainsi je vous conseille de vous dépêcher pour la manger fraîche. N’allez pas vous figurer en lisant ma lettre que je viens seulement de me lever à présent. Vous saurez que j’ai nettoyéa la fameuse boîte, qu’elle est très belle et sera très commode pour mes papiers. Vous saurez en outre que votre tisaneb est faite, que je suis débarbouillée et que ma dépense d’hier et d’aujourd’hui est comptée. Je vais déjeuner et m’habiller tout à l’heure et puis je travaillerai. Je suis vraiment désolée de mes pieds, je ne sais qu’y faire et j’en souffre à ne pas les poser par terre. Je suis cependant résolue à vous suivre au bout du monde dès aujourd’hui si vous avez la bonté de m’y vouloir mener. Je vous aime Toto, savez-vous ça ? Je ne sais pas le dire comme vous mais je le sens aussi bien et mieux encore sans me flatter. Oh ! oui je t’aime mon adoré, je t’aime plus que tu ne peux le désirer. Je n’ai rien oublié non plus de nos souvenirs ; je vois encore la grande paille faisant la herse sur l’églantier en fruits et se laissant soulever pour nous livrer passage.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 45-46
Transcription de Chantal Brière

a) « nétoyé ».
b) « tisanne ».


16 avril [1840], jeudi soir, 9 h.

J’ai dînéa auparavant de t’écrire, mon Toto, pour ne pas faire pousser d’affreux gémissements à Suzanne qui ne demandait pas mieux que de mettre sur le compte de l’heure indue son dîner mal fricassé. J’ai donc été très bonne princesse et j’ai mangé comme j’ai pu de la morue puante dans un beurre fort figé. Je viens à vous prendre ma revanche, je vous aime, je vous aime et je vous aime. Vous avez bien manqué être méchant ce soir et j’en ai ressentib le chagrin presque comme si vous aviez été ce que vous paraissiez vouloir être, le plus injuste et le plus cruel des Toto. Je vous pardonne et je vous proteste de nouveau que je ne mérite pas vos reproches ni vos craintes sur ma coquetterie et l’argent jeté par la fenêtre. C’est un reste de ce vieux levain que cette monstrueuse Georgesc vous a mis dans le cœur qui reparaît de temps en temps et qui m’afflige d’autant plus que je le mérite moins. Baisez-moi, vieux méchant. La lune était bien belle dans son pleind et mes assiettes sont ravissantese. Ma plume n’est pas assez bonne pour vous faire des dessins mais je prendrai ma revanche une autre fois. Baisez-moi toujours et aimez-moi de toutes vos forces pour lutter seulement avec mon petit doigt. Je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 47-48
Transcription de Chantal Brière

a) « dîner ».
b) « ressentie ».
c) « Georges ».
d) Juliette dessine une pleine lune :

© Bibliothèque Nationale de France


e) Juliette dessine deux assiettes décorées :

© Bibliothèque Nationale de France
SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne