Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1840 > Novembre > 16

16 novembre [1840], lundi soir, 4 h. ½

Nous avons enfin notre linge, mon Toto, Dieu en soit loué car la crasse commençait joliment à nous envahir et le mal de nez aussi. Ceci devrait te donner une leçon sur la nécessité d’avoir plus de cinq mouchoirs de poche et trois paires de chaussettes. Ajoute un quatrième rouleau au componium [1] de la Forêt-Noire si tu veux mais achète-nous quelque butin de renfort ce qui sera prudent. J’espère que tu n’es pas retourné à Saint-Prix [2] aujourd’hui. De ce temps humide et marécageux les grands chemins sont peu praticables et je ne vois pas à quoi servent tes courses quotidiennes sia ce n’est à dépenserb beaucoup d’argent, à pourrir tes bottes et à jouer à pair ou non tous les jours avec un gros rhume.
Jour Toto, papa est bien i mais c’est quand il fait l’abeille dans le lit. Voime, voime, voime. J’ai mis mes beaux bas et mes belles pantouflesc, espérant que vous les remarquerez ce soir et que vous serez ÉBLOUI. Il paraît décidément que Lafabrègue et la marchande de modes sed sont donné le mot pour ne m’apporter ni la coiffure ni la chaussure ? La chaussure, ça m’est égal, mais la coiffure je ne peux pas m’en passer et je commence à trouver la séance à l’hôtel des haricots, mon hôtel, un peu trop longue. Je voudrais prendre un peu l’air et circuler avec vous dans tous les sens à votre fantaisie. J’écrirai probablement demain à tout ce monde-là et en même temps aussi à Mme Krafft pour sa toilette car la mienne n’a pas encore 48 heures dans le ventre. Jour, vieux bêtae, je vous aime, moi. Je vous adore, moi. Je vous trouve beau, moi. Même sur votre ROSIER, surtout sur votre rosier. Je vous admire partout. Baisez-moi qu’on vous dit et ne nous laissez pas jusqu’à minuit sans nous donner signe de vie. Je vous aime mon Toto. Je t’adore mon bon petit homme.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16343, f. 165-166
Transcription de Chantal Brière

a) « ci ».
b) « dépensé ».
c) « pantouffles ».
d) « ce ».
e) « bêtat »

Notes

[1Appareil qui permettait de d’improviser des variations sur un orgue mécanique.

[2La famille Hugo s’était installée pour la saison d’été au château de la Terrasse à Saint-Prix. Hugo s’y rendait très régulièrement et revenait par la diligence de nuit. Il semble pourtant qu’à cette date Mme Hugo et ses enfants soient de retour à Paris depuis plusieurs jours.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne