14 septembre 1868

Bruxelles, 14 septembre 1868, lundi après-midi, 2 h. ½

Je ne crie pas encore trop haut victoire, mon cher bien-aimé, parce que je ne suis pas bien sûre que mon rhume soit tout à fait exterminé mais il est en bon train de crevaison et j’espère bien l’enterrer demain ou après demain au plus tard, dès aujourd’hui même si ma bonne fortune voulait que tu vinsses me demander à dîner. Je crois que mon nez est de force à te tenir tête et mon appétit aussi. Je ne suis pas aussi sûre de pouvoir copier ce que tu m’as confié, cependant j’y essaierai tout à l’heure. D’après l’avis que m’a envoyé ce matin M^me Charles, tout le monde sera en villégiature demain place des Barricades. Raison de plus pour moi de presser la fin de mon rhume pour être entièrement à ta disposition tout le temps de l’absence de ta famille [1]. J’ai déjà fait pas mal de chemin dans cette bonne voie depuis hier et j’espère bien être au bout demain. En attendant, j’use et j’abuse de ma situation coryzabulante^a [2] pour t’en embêter outre mesure en ne te parlant que d’elle depuis le premier mot de mon gribouillis jusqu’à l’avant-dernier. Pardonne-moi ce nasillement beaucoup trop prolongé et dis-toi que je t’aime et que je t’adore d’autant plus que je suis plus stupide et plus insipide.

BnF, Mss, NAF 16389, f. 255
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « corizabulante ».