28 juin 1840

29 juin 1840

28 juin [1840], dimanche après-midi, 2 h. ½

Nous verrons, mon cher petit homme, si vous restez à Paris et si vous viendrez de bonne heure. J’ai un mal de tête atroce. J’espère que vous vous en êtes donné de la taquinerie. Je ne vous en veux pas, au contraire je vous aime d’en agir ainsi. Seulement cela me fait monter le sang à la tête un peu plus que d’habitude, ce qui ne compte pas et puis vous êtes si heureux et si charmant quand vous croyez faire une espièglerie que je passerais par tous les sacrifices du monde pour avoir le plaisir de vous voir jouissant de votre malice et de votre méchanceté. J’attends en effet ma compagnie et je n’ai que le temps bien juste de me passer un peu d’eau sur la figure et de retrousser mes cheveux. Vous avez mis bon ordre à ce que je n’aie pas même le temps de dire ouf entre vous et elles. À propos vous ne serez pas étonné si vous trouvez chez moi aujourd’hui la voisine de M^me Pierceau. Je l’ai invitée pour m’acquitter envers elle de son cadeau d’aiguilles et de sa future assiette. Peut-être ne viendra-t-elle pas mais dans tous les cas vous êtes prévenu. Je ne peux pas m’empêcher de croire que vous allez à Saint-Prix [1], si je me trompe tant mieux. Pour me le prouver il faut venir avant minuit. Jour Toto. Papa n’est pas taquin, Voime, voime. Baisez-moi vieux Satan et aimez-moi malgré votre pied fourchu et à cause de votre [Dessin^a]. Ceci veut dire ce qu’on tire si souvent au diable : la queue.

BnF, Mss, NAF 16342, f. 241-242
Transcription de Chantal Brière

a) Juliette dessine une créature tirant la langue, dotée de mains griffues et d’une longue queue.