Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1840 > Juin > 13

13 juin 1840

13 juin [1840], samedi matin, 10 h. ½

Je t’écris tout de suite, mon Toto, parce que rien n’est prêt pour faire ta tisanea et pour me débarbouiller. D’ailleurs à peine es-tu sorti qu’il me semble qu’il y a 12 jours que tu es absent. Je te demande pardon d’avoir grogné ce matin mais outre que je suis souffrante je ne peux pas supporter cette nonchalance et cette stupide indifférence des domestiques pour leur service. Quant à la mienne il faut tout le courage que j’ai pour supporter son service car il est impossible d’être plus négligente et plus absurde qu’elle est. Enfin c’est par dévouement à notre position que je la garde mais il y a des moments, les jours où je souffre par exemple et où il faut que je fasse son service et le mien, où je l’enverrais au diable de bien bon cœur. Je te prie aussi, mon bon Toto, de ne donner devant elle aucune marque de tolérance et de bénignitéb parce que ça l’autorise dans sa paresse et dans sa négligence et parce qu’en somme la longanimité prolongée avec de pareilles gens n’est plus que de la niaiserie et de la duperie. Maintenant c’est dit, parlons d’autre chose plus amusante. Tu n’es pas allé à la campagne [1] hier mais j’ai bien peur de ne pas l’échapper aujourd’hui. Il est probable que tu iras tantôt avec tes goistapioux et que tu ramèneras tout ton monde en bloc dimanche pour la 1ere communion de Toto [2] ? J’ai deviné juste, n’est-ce pas mon amour ? Je sais bien qu’il le faut mais je n’en ai pas pour cela une goutte de tristesse et d’impatience de moins et j’en aurais peut-être deux de plus d’amour s’il y avait encore place pour les mettre. Mais je m’aperçoisc que je ne parle pas encore de choses bien gaies ni bien divertissantes malgré ma résolution exprimée derrière ces lignes. Il est vrai de dire que, toi une fois parti, je suis toujours à court de plaisir, d’esprit et de bonheur. Il faut donc que j’en prenne mon parti et que je laisse ma plume se plaindre et grogner tout à son aise sur mon papier. Je t’aime mon Toto chéri. Je t’adore mon bon petit homme, c’est bien vrai.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 207-208
Transcription de Chantal Brière

a) « tisanne ».
b) « bégninité ».
c) « m’apperçois ».

Notes

[1La famille Hugo s’est installée au château de la Terrasse à Saint-Prix pour l’été.

[2Il s’agit de Victor, le fils cadet.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne