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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 juin 1840

7 juin [1840], dimanche matin, 9 h. ¾

Bonjour cher adoré. Tu es à la campagne [1], mon Toto, tâche de ne pas m’oublier, profite des belles fleurs, des beaux arbres, du beau soleil et des beaux horizons mais ne m’oublie pas. Tâche aussi de revenir pour le déjeuner ce matin qui sera bien sommaire et bien triste si tu ne viens pas. Je t’ai attendu jusqu’à une heure du matin cette nuit et je me suis endormie avec l’espoir que tu allais peut-être revenir par la diligence de minuit. Ce matin j’espère que tu reviendras comme l’autre jour pour déjeuner mais après je ne sais plus ce que j’espérerai car je serai bien triste et bien découragée.
J’ai reçu une lettre de ma Clairette [2], hier, dans laquelle elle me dit de bien embrasser M. Toto. Hélas ! Non seulement je n’ai pas pu faire sa commission, mais je ne peux même pas faire la MIENNE qui est de vous baiser depuis le matin jusqu’au soir, depuis la plante des pieds jusqu’à la pointe des cheveux. Aussi suis-je comme une pauvre âme en peine dès que tu me quittesa. Je ne sais plus que faire de ma vie, de ma pensée, de mes baisers, de mon amour, de mon âme. Tout ça souffre dès que tu franchis le seuil de ma porte. Tâche de revenir bien vite mon adoré et apporte-moi une rose ou un brin d’herbe qui me montre que tu as pensé à moi et que je conserverai à cause de ça [15 jours ?].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16342, f. 195-196
Transcription de Chantal Brière
[Massin]

a) « quitte ».


7 juin [1840], dimanche après-midi, 4 h.

Tournez-vous vers moi, mon adoré, que je sente votre souffle sur mes lèvres. Aimez-moi, mon petit homme, que je sente votre amour sur mon âme comme un baumea divin. Je vous ai attendu jusqu’à midi pour partager ma crème avec vous mais j’ai jeûnéb en pure perte vous n’êtes pas venu et maintenant je ne vous attends plus que ce soir. Heureusement que la nécessité de ramener vos chers petits goistapioux sous le hangarc vous forcera à prendre la voiture avant minuit. QUEL BONHEUR !!!! Cependant c’est encore bien long d’ici là et je vais encore bien m’impatienter et vous désirer jusqu’à ce soir. Je vous aime, mon cher petit bien-aimé, vous ne saurez jamais combien. À propos Résisieux avait fini par avoir une fameuse peur de MA BÊTE, il a fallu même que je la ramène à la réalité et lui faire voir que ce n’était qu’un petit MANNEQUINd, car la pauvre petite fille en avait une vraie peur et n’osait plus passer à une grande distance du terrible animal. Mme Besancenot a trouvé les ronds de serviettes éblouissants et m’a dit que « si j’en avais un de trop elle le retenait ». Elle n’est pas gênée ni moi non plus et je ne lui en donnerai pas, voilà. Oh ! Que je voudrais être à ce soir pour te caresser, pour te mordre, SERPENT NOIR. J’ai tant d’amour que je ne sais qu’en faire et que j’en sème tout le long de la route de Paris à Saint-Prix [3]. Si vous étiez le Petit Poucet du sentiment vous le retrouveriez ce soir sous la forme d’arbres, de feuilles, de fleurs, d’oiseaux et d’étoiles et vous l’accueilleriez avec transport en pensant que depuis votre départ mon âme a fait au moins dix millions de fois le trajet de Paris à Saint-Prix en répandant son amour sur la route.

BnF, Mss, NAF 16342, f. 197-198
Transcription de Chantal Brière

a) « beaume ».
b) « jeûner ».
c) « hangard ».
d) « MANEQUIN ».

Notes

[1La famille Hugo s’est installée au château de la Terrasse à Saint-Prix pour l’été.

[2Clairette : surnom Claire Claire Pradier, sa fille.

[3La famille Hugo s’est installée au château de la Terrasse à Saint-Prix pour l’été.

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