Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1840 > Mai > 22

22 mai 1840

22 mai [1840], vendredi soir, 6 h. ½

Vous n’êtes pas au bout de mon gribouillage ni de vos peines, mon pauvre amoureux, car je compte salir encore de mon amour une autre feuille avec celle-ci : - « Voime, voime, peu amusant. » Voilà ce que vous dites dans votre barbe mais ce que je ne fais pas semblant d’entendre parce qu’il faut que je fasse mon petit tas avant de dîner. Je n’ai pas vu Mme Krafft et je ne pense pas que je la verrai mais dans tous les cas ce que tu m’as dit pour sa Suquetterie [1] peut aussi bien se dire dans un mois comme à présent ainsi c’est à elle à venir si elle veut. Vous avez été bien spirituel tantôt d’appeler l’attention de ces péronnelles sur le petit cornet aux lapins, je suis sûre qu’aussitôt que j’aurai eu le dos tourné toutes ces petites goistapiouses se seront appliquéesa à connaître ce qui faisait le sujet de vos airs mystérieux et croustillants. Une autre foisb je vous prie si pareilc lapin se représentant de n’en pas parler même à demid mot, c’est plus sûr avec ces petites curieuses-là. Oh ! Dieu, oh ! Dieu qu’il fait froid, j’ai cependant une chaufferettee et bien je grelotte malgré cela. Jour Toto. Jour mon petit o. Papa est bien i. Je l’aime de tout mon cœur. Papa serait bien gentil de nous mener ce soir à un spectacle quelconque, le Théâtre-Français ou Saint-Antoine, mais je suis sûre que Papa ne viendra pas avant minuit, aussi je prépare Claire à la chose tout doucement en lui disant que : rien n’est plus doux et plus récréatif que de découdre des robes et de faire des reprises. Je ne sais pas jusqu’à quel point j’enfonce ce PARADOXE dans l’esprit de ma péronnelle mais je sais qu’elle se résigne d’assez bonne grâce et moi je sais que je vous aime toujours plus, jamais moins.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16342, f. 157-158
Transcription de Chantal Brière

a) « appliqué ».
b) « autrefois ».
c) « pareille ».
d) « demie ».
e) « chauffrette ».


22 mai [1840], vendredi soir, 7 h.

Suis-je tenace, heim ! Vous êtes fort heureux que je ne me sois pas engagée à vous écrire autant de lettres qu’il y a de mots dans vos adorables vers d’hier car j’aurais tenua ma promesse jusqu’au bout et sans vous faire grâce d’une demib ligne. Remerciez le bon Dieu de ma discrétion et aimez-moi de toutes vos forces, je vous dis que vous êtes mon Toto. J’ai joliment bien arrangé mes fleurs tantôt, cela me fait une croisée charmante, il est vrai que je n’en ai qu’une, les autres étant encore en herbe, mais avec le temps j’aurai peut-être un jardin délicieux. Toto je vous aime. Vous devriez bien venir dîner avec moi, ce serait bien doux pour moi et plus amusant pour cette pauvre Claire qui ne sort jamais et à qui je parle peu quand nous sommes en tête-à-tête. Baisez-moi mon vieux scélérat et menez-moi voir les toits de l’Hôtel de Ville en même temps nous pourrons approfondir la question des chapeaux de paille d’Italie qui me paraît encore bien obscure et sur laquelle je ne suis pas suffisamment ÉDIFIÉE. Enfin mon Toto vous pourriez, si vous vouliez, me procurer une foule de jouissances plus variées les unes que les autres ce soir. Pour ça vous n’auriez qu’à vous montrer. Voici cette pauvre Résisieux qui a encore les yeux ROUX parce que sa sœur est allée seule avec son père aux Folies RAMATIQUES [2]. Je ne comprends pas ces affreux bourgeois d’économiser de misérables sous aux dépensc de la joie de ces pauvres petites créatures. Vraiment ces gens-là sont à des êtres bons et intelligents ce qu’un cochon est à un lion. Je suis furieuse contre ce hideux Besancenot. Baisez-moi vous. Vous êtes mon amoureux que j’aime et que j’adore, je vous désire, je vous aime et je vous adore. Je vais combler Résisieux en VOTRE NOM de petits gâteaux. Je ferai bien, n’est-ce pas mon chéri ?

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16342, f. 159-160
Transcription de Chantal Brière

a) « tenue ».
b) « demie ».
c) « au dépend ».

Notes

[1Jeu de mots, voir lettre du 17 mai 1840.

[2Juliette reproduit les fautes de prononciation de la fillette : « yeux rouges », « Folies Dramatiques ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne