Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1840 > Mai > 15

15 mai 1840

15 mai [1840], vendredi après-midi, 3 h. ¼

À peine êtes-vous parti, mon amour, que je suis toute triste et toute désorientée. Je n’ai plus votre charmant museau à baiser, vos petits pieds à admirer, votre chère petite personne à faire enrager, à grogner, à bougonner et à dodinera. On dirait aussi que la maison et ce qu’elle contient se ressententb de la tristesse de votre absence et que pour passer le temps elle brise et casse tout. Tout à l’heure c’est un grand carreau de porte vitrée qui est tombé avec un affreux vacarme et dont un morceau est venu couper la figure de Suzanne entre les deux yeux. Hier c’était mon beau bol, tout à l’heure ce sera je ne sais quoi. Mais je sais que si vous étiez là ça n’arriverait pas. Ainsi ne fût-cec que par économie vous devriez ne jamais vous absenter de chez moi. Je vais envoyer chez Claire et chez la mère Lanvin aussitôt le ménage fait et puis je tâcherai de finir de me peigner et de m’éplucher. J’ai fait ta tisaned et lavée tes linges et puis je suis débarbouillé. [Et ?] je ne vois pas trop à quoi serventf toutes ces grandes lettres que je t’écris, que tu n’as pas le temps de lire et que j’ai à peine celui de t’écrire. Nous devrions peut-être pour ce petit moment-ci supprimer ce gribouillage quotidien. D’abord tout ce que je t’écris je le pense dans mon âme beaucoup mieux que je ne te le dis, ainsi il n’y a pas de perte pour l’amour mais il y aura gain d’un petit moment employég au service de la maison et au tien car une demi-heureh de jour fait quelquefois beaucoup sur de certaines besognes de ménage. Au reste je te dis cela sans amertume et parce que voilà cinq jours que toi-même tu n’as pas eu le temps de lire mes gribouillis mais je ferai ce que tu voudras quand tu voudras et comme tu voudras et tant que tu voudras. C’est d’ailleurs une besogne assez douce que de bavarder avec son Toto avec la plume au défaut de la langue et toujours et dans tous les cas avec le cœur et l’âme. À bientôt mon adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16342, f. 143-144
Transcription de Chantal Brière
[Massin]

a) « daudiner ».
b) « ressent ».
c) « fusse ».
d) « tisanne ».
e) « laver ».
f) « sert ».
g) « emploié ».
h) « demie heure ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne