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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 novembre [1837], jeudi matin, 10 h. ¾

Voime, voime, vous êtes un joli garçon encore, vous, un beau chef-d’œuvre de la création. Je m’en moque des appas RANCES [1] rien de plus. Heureusement que je suis trois fois philosophe et plus heureusement encore je vous aime autant de fois plus que vous le méritez moins. Je ne sais pas si ce que je dis est très intelligible. Dans tous les cas c’est votre faute, car si vous vous conduisiez comme tous les amants je n’aurais pas à me plaindre de vous toute l’année. Il paraît que vous avez mieux aimé faire vos courses seul ? Grand bien vous fasse. Je ne sais pas trop à quoi je vous sers moi. Je ferais bien mieux de m’en aller à l’autre bout de la terre, vous seriez débarrasséa une fois pour toutes de l’ennui d’avoir une femme parfaitement inutile et que vous aimez encore moins qu’elle ne vous sert. Je vous préviens que je suis très grimaude ce matin. Il n’y a que votre visite ce matin qui puisse me dérider un peu surtout si vous la prolongez assez pour déjeuner avec moi. À propos de déjeuner, je n’ai rien fait faire ce matin. Je n’avais donné des ordres que dans le cas où vous auriez été chez moi ce matin. Heureusement la ville est bonne. Venez d’abord et tout sera bientôt prêt. Je t’aime mon Victor. Il y aura demain huit jours que je les crie dans le désert cesb trois mots. Je t’aime Toto. Il serait bientôt temps de le dire à toi. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 115-116
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « débarassé ».
b) « c’est ».


30 novembre [1837], jeudi après-midi, 4 h.

Je vous attends, mon cher petit homme, et sans autre feu que celui de mon cœur. C’est bien assez pour brûler. Heureusement que l’enveloppe est d’amiante, ce qui empêche l’incendie de se propager jusqu’à vous. Mais laissons les feux et les flammes qui ne sont plus guère de saison entre deux vieux amoureux comme nous et parlons raison.
Savez-vous que je suis très contente de La Presse et qu’il s’en faut de très peu que je reporte sur elle l’amour que j’avais autrefois pour vous [2]. Je dis autrefois car à présent ce n’est plus de l’amour que je vous donne. Vous n’en voulez plus depuis si longtemps que j’ai renoncéa à vous en fournir. Je vous donne de la bonne amitié de ménage bien lourde, bien épaisse. Ça vous tient chaud et vous êtes content. Il n’y a que moi qui ne sois pas ravie de cette substitution. J’étais si heureuse quand vous pouviez souffrir que je vous aime, que je suis bien malheureuse et bien désœuvrée à présent que vous ne voulez plus en entendre parler même. Croyez bien mon cher petit homme que si je pensais sérieusement un mot de tout ce que je viens de vous dire touchant votre éloignement et votre refroidissement, vous auriez déjà les yeux arrachés et vous pourriez vous dire aveugle moribond. 7 h. ½ du soir. Tandis que comme vous êtes, vous êtes mon beau Toto bien amoureux et surtout bien aimé de sa vieille

Juju

BnF, Mss, NAF 16332, f. 117-118
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « renoncer ».

Notes

[1Jeux de mots pour « apparences », fondé sur l’antinomie entre « appas » et « rances ».

[2Dans La Presse du même jour, en 4e page, est annoncée, en très grosses lettres, la 1e livraison en vente des Œuvres Complètes de Victor Hugo chez Renduel, en 21 volumes in-8°, à 4 F. 50 le volume.

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