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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 mars 1840

12 mars [1840], jeudi après-midi, 1 h. ¾

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon pauvre amour, malgré vos belles promesses vous n’êtes pas revenu cette nuit. Quel fond voulez-vous que je fasse sur vos promessesa ? Aucun ? C’est aussi ce que je fais mais fort tristement et très à mon grand déplaisir. Voici le beau temps revenu mais c’est aujourd’hui le jour de sortie de Mlle Didine, je n’ai aucune chance pour refaire la promenade d’hier. Aussi je ne m’apprête pas du tout. Je me suis levée fort tard à cause de mon mal de tête, j’ai fait tous mes quinze tours et je vous écris avec un mal d’estomac atroce car j’ai bu trois tasses de tisaneb coup sur coup et il est très tard. Je déjeunerai avec plaisir tout à l’heure. Vous n’avez pas voulu me laisser votre épreuve hier au soir et vous m’avez fait beaucoup de peine sans vous [en] apercevoir car vous ne voyez plus quand je suis triste ou gaie à présent. Enfin vous m’avez fait beaucoup de peine. Autrefois vous n’aviez aucun secret pour moi, maintenant vous me cachez tout ce qui nous intéresse, témoin cette affaire de Robelinc dont vous ne me parliez pas. Je n’ai rien fait pour perdre votre confiance : ce n’est donc qu’un manque d’amour ? Je vois toutes mes illusions et tout mon bonheur s’en aller dans des choses comme cela. Le jour où je serai sûre que tu ne m’aimes plus je te débarrasserai de moi sans plainte et sans tiraillement, car je veux tout ou rien de toi, ton dévouement et ta générosité ne me suffisent pas. C’est ton amour tout entier qu’il me faut.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 260-261
Transcription de Chantal Brière

a) « promesse ».
b) « tisannes ».
c) « Roblin ».


12 mars [1840], jeudi soir, 5 h. ¾

Je suis bien tourmentée, mon Toto, de te savoir souffrant. Tant que tu as été là, auprès de moi, je ne sentais pas l’inquiétude de te savoir souffrant mais aussitôt que tu as été parti j’ai eu peur que tu ne sois plus malade que tu ne le laissais voir. Je t’en prie, mon amour, reviens bien vite et surtout ne te néglige pas, si ton mal de tête persiste il faut prendre un bain de pied, c’est moi-même qui te le ferai prendre et qui essuierai tes chers petits pieds. Entends-tu mon adoré ? Je t’en veux pas, t’as raison de ne pas me mener chez la mère Pierceau parce que c’est très dangereux, voime, voime. Je viens d’envoyer chercher le catalogue du cabinet de lecture, j’ai choisi trois ouvrages, nous verrons si on les aura. En attendant, il fait un froid de loup et je peux à peine tenir ma plume. Il est probable que j’userai deux falourdes [1] ce soir, ce genre de bois ne chauffe pas du tout et brûle comme de la paille. Je crois qu’il vaudra encore mieux en acheter à la voie [2] aussitôt que nous le pourrons. Je ne t’offre plus de t’aider puisque tu fais le fier mais j’ai toujours à ta disposition le nécessaire sans calemboura et sans calembredaine. Il est à toi et archi à toi et tu m’obligerais singulièrement d’enb débarrasser mon ARMOIRE. En attendant je vous aime, je vous désire, je me tourmente pour vos yeux et pour votre chère petite tête et je vous adore. Baisez-moi, vieux loup, et venez très tôt me voir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 262-263
Transcription de Chantal Brière

a) « calembourg ».
b) « dans ».

Notes

[1Falourdes : fagots de bois.

[2Dans l’industrie du bois, nom donné à la largeur du trait de scie.

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