Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1852 > Septembre > 11

Jersey, 11 septembre 1852, samedi matin, 10 h. ½

Bonjour mon cher petit homme, bonjour, soyez bien heureux car le soleil est sur l’horizon et mon cœur rayonne de toutes les plus douces espérances. Je voudrais qu’il vous fût possible de me faire sortir aujourd’hui mais si cela ne se peut pas je m’en contenterais tout de même. Cher petit homme, je viens de vous voir, mais pas assez pour que cela me compte pour une fois. Quant à aller vous attendre sur les grandes routes, permettez-moi de préférer vous attendre chez moi, cela me sera moins désagréable et je pourrai peut-être trouver le temps moins long en l’utilisant à raccommoder mes chausses. Courir la campagne avec vous, c’est la santé, la joie et le bonheur. Vaguer au hasard toute seule, c’est la fatigue, la tristesse et l’ennui. Je préfère comme la carpe vous attendre chez moi : c’est bizarre, mais c’est ainsi, on n’est pas parfait. Si j’osais je vous dévoilerais bien d’autres horreurs. Par exemple le désir de faire avec vous lundi prochain le tour de l’île. Je pousserai la précaution d’avance jusqu’à me pantalonner des pieds à la tête. Nous verrons si de votre côté vous pousserez l’empressement à tenir votre promesse en venant me chercher par le premier omnibus. Je ne veux pas dire que j’en doute pour ne pas prêter le collet aux empêchements qui sauront bien se montrer sans cela. D’ici là, mon bien-aimé petit homme, il y a encore deux grands jours sur lesquels je voudrais bien grignotera quelques bonnes heures à vos dépensb : cela se pourra-t-il ? Vous n’êtes pas embarrasséb pour dire : oui. Nous verrons bientôt quellea foi il faut ajouter à ces trois voyelles assemblées. En attendant, je souris à toutes ces espérances et je vous aime comme si j’étais déjà la plus heureuse des Juju.

BnF, Mss, NAF 16371, f. 309-310
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « grignotter »
b) « dépends ».
c) « embarrasser ».
d) « quel ».


Jersey, 11 septembre 1852, samedi, midi ¾

Je regrette presque maintenant de ne t’avoir pas obéi parce que cela t’aurait peut-être fait venir plus tôt, me sachant hors de chez moi. Je ne suis occupée dès que je te perds de vue qu’au moyen de te revoir. Jusqu’à présent mes recherches ne m’ont pas encore beaucoup servi et pourtant Dieu sait si je te désire et si je t’aime vraiment. Les jours de soleil devraient être francs d’importuns et d’affaires et rester tout entiers aux pauvres êtres qui s’aiment comme je suis sûre de t’aimer. Celui-ci aurait dû nous appartenir depuis son premier rayon jusqu’à son dernier. Aussi je me plains à Dieu de cette injustice, du sort qui nous sépare quand il ferait si bon vivre l’un auprès de l’autre. Ne va pas croire pourtant, mon cher petit Toto, que je suis grognon et méchante, bien loin de là. Je ne suis que triste. Mais d’une tristesse douce et résignée qui me permet de t’attendre sans découragement. Quand tu viendras, quelle que soit l’heure, je te sourirai de mon sourire le plus joyeux et le plus reconnaissant. En attendant il faut que tu me laisses être triste à ma façon ; c’est ma seule manière d’être heureuse loin de toi. Je viens d’avoir une émotion de fausse joie. Je croyais t’avoir aperçu dans les rochers en face de ma maison, mais je m’étais trompée. Cela ne m’arrive pas souvent car à défaut de la longueur de vue j’ai l’instinct de mon cœur qui me fait rarement défaut. Pour cette fois yeux et cœur ont mal vu et j’en suis pour ma pauvre joie rentrée. Dieu fasse que ce ne soit pas pour toute la journée. Je me veux faire l’illusion contraire et c’est pour cela que je me dépêche de terminer ce gribouillis dans l’espoir que tu arriveras juste pour le dernier paragrapheb.

Juju

Ça doit être çàc.

BnF, Mss, NAF 16371, f. 311-312
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

b) « pataraphe »
c) Phrase placée en marge du folio 311. « Juju » est suivi d’un embrouillamini de cercles.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne