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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Bruxelles, 15 avril 1852, jeudi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon tout adoré, bonjour mon doux bien-aimé, bonjour. Puisse l’heureuse nouvelle d’hier se confirmer aujourd’hui, mon Victor, et quelles qu’en soient les conséquences à venir pour moi, elle n’en restera pas moins à tout jamais une nouvelle bénie pour la tranquillité, la joie et le bonheur qu’elle te donne en reprenant possession de toute ta très chère famille [1]. Il est probable que tu recevras une lettre de chez toi aujourd’hui. Si tu y penses mon doux bien-aimé fais-le-moi savoir tantôt par Suzanne, pour que mon cœur se réjouisse avec le tien. Je regrette de n’avoir pas songé à convenir avec toi d’une phrase intelligible pour nous seulement sans éveiller la curiosité de la servante. Mais il te sera facile de me faire savoir ce qui m’intéresse sans entrer dans aucun détail. J’espère, mon bon petit homme, que tu auras passé une bonne nuit et que tes vilaines douleurs de cœur t’auront laissé tranquille. Cela ne m’empêchera d’insister auprès d’Yvan pour qu’il te soigne et te guérisse complètement de cette gênante indisposition car j’ai plus que jamais besoin de ta santé pour me bien porter et de ton bonheur pour être heureuse. Aussi, malgré mon rhume, malgré tout ce qui me fait souffrir et me rend hideuse, j’ai le cœur content et je bénis Dieu d’avoir abrégé le supplice de ton pauvre fils, celui de ta noble femme, de ta ravissante fille et le tien du même coup. Mon égoïsme a besoin de votre bonheur à tous pour être satisfait. De quelque façon qu’il se compose, quelque condition qu’il m’impose pourvu que je vive auprès de toi que tu m’aimes et que tu me sois bien fidèle, je suis au comble de mes vœux. Mon Victor adoré bien-aimé, emplis ton cœur de joie pour que le trop plein déborde dans le mien.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16370, f. 303-304
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette


Bruxelles, 15 avril 1852, jeudi après-midi, 2 h.

Il m’a été impossible de rien savoir par cette stupide fille, laquelle a oublié de te demander si tu avais reçu de bonnes nouvelles de Paris ? Tu juges de mon impatience par celle que tu aurais toi-même en pareil cas. Je n’ose pas espérer que tu viendras plus tôt parce que je pense qu’il doit y avoir chez toi queue de féliciteux et de curieux. Mais si tu pouvais t’échapper un peu plus tôt pour me confirmer la bonne nouvelle d’hier tu m’épargnerais bien de l’impatience en me donnant de la vraie joie. En attendant je m’applique à perfectionner mon rhume de manière à ce qu’il ne laisse rien à désirer sous tous les rapports. J’aurais la petite vérole que ma figure ne serait pas plus rouge, plus gonflée, plus boutonneuse et plus douloureuse que je l’ai aujourd’hui. Je n’ose pas l’attribuer au remède d’Yvan quoiqu’il y ait eu une fâcheuse coïncidence entre son application et la recrudescence de cette hideuse irruption.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16370, f. 305-306
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

Notes

[1François-Victor Hugo, emprisonné à la Conciergerie, est sur le point d’être libéré, contre sa volonté, sur l’intervention du Prince Napoléon et du roi Jérôme. Hugo espère le voir arriver à Bruxelles, mais François-Victor partira vivre auprès d’Anaïs Liévenne.

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