29 juillet 1881

Paris, 29 juillet 1881, vendredi, 8 h.

Cher bien-aimé, si j’en juge d’après moi tu as passé une très bonne nuit. Je suis d’autant plus autorisée à le croire que chaque fois que je me suis levée pour savoir si tu avais besoin de quelque chose, tu dormais d’un sommeil paisible et profond. Puissé^a-je ne pas m’être trompée.
En attendant je te fais ma petite rengaine sénatoriale aujourd’hui, comme hier, séance publique à une heure. Cela ne me fait pas perdre de vue mon autre scie Rothschild^b, Guiter [1], le notaire et autre. J’appelle aussi ton attention sur ceci que j’ai payé, depuis hier, en dehors de la dépense de la maison, premièrement la voiture du Sénat – 6 F,
secondement la note Cagé [2] pour ta fête – 27 F. 35 : 33 F 35^c, sans compter tout ce que je paie en dehors de la dépense de la cuisine tel que le remboursement Lesclide 28 F. 15
dimanche dernier et tes voitures tous les jours, ce qui avec la glace fait en moins de huit jours près de 80 F. d’extra. Je te le dis parce que je tiens à ce que tu saches ce que je fais de ton argent et puis parce que je suis stupide et que tous ces détails me tiennent lieu d’esprit qui me manque.
Quant au cœur, c’est différent, j’en ai plutôt trop que pas assez. Tu dois t’en apercevoir de reste puisque je t’adore.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16402, f. 173
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette

a) « puissai ».
b) « Rottchild ».
c) Les prix sont alignés à la verticale en bout de ligne. Ils forment ainsi une addition posée à la main.