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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 décembre [1841], vendredi, midi ¼

Bonjour mon cher bien-aimé, bonjour mon amour. Je suis toujours bien patraque, j’ai passé une nuit telle quellea, souffrant de tout mon corps. Ce matin, je suis éreintée et je ne sais pas comment je ferai pour me lever. Et il faut pourtant que je me lève, ne fût-ceb que pour faire faire mon lit et faire prendre l’air à ma chambre. Si je ne vais pas mieux, j’enverrai chez M. Triger. Quelle absurde coïncidence, être malade juste pour le jour de l’an, il n’y a que moi pour avoir de ces choses-là. C’est égal, je t’aime et toutes les maladies du monde ne m’empêcheront pas de sentir que je t’aime jusqu’au fin fond du cœur et de l’âme.
Mais toi, mon pauvre amour, comment vas-tu ? Comment va ton rhume ? Bois-tu toujours de l’eau chaude ? Pourquoi n’es-tu pas venu ce matin, est-ce que tu as eu peur que je te donne la fièvre ? C’est bien plutôt la paresse et la crainte du froid, pauvre ange bien-aimé. Je ris avec vous car je sais que vous aurez férocement passé la nuit à travailler sans feu. Tu n’es pas venu, mon cher adoré, et je ne t’en veux pas quoique cependant il y ait de quoi. C’est que tu auras craint de me faire lever et de me réveiller pour ne pas me faire du mal tandis que c’est mon bonheur, ma joie et ma santé que de t’avoir auprès de moi. Mais je ne vous tiens pas quitte pour la nuit prochaine, j’entends et je prétends étrenner l’ANNÉE. Je veux que cela me porte bonheur pour toute l’année, entendez-vous, entendez-vous ? Sur ce, baisez-moi et venez bien vite auprès de votre pauvre Juju qui vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16347, f. 265-266
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a)« qu’elle ».
b)« fusse ».


31 décembre [1841], vendredi soir, 9 h. ¼

Je vais mieux, mon Toto, depuis que je t’ai vu. Je vais mieux et remieux, tu es ma chère petite MÉDECINE qui me calme et qui me guérit. Mieux que cela encore, tu es ma vie, ma joie et mon bonheur.
J’espère que notre pauvre Dédé va être bien contente et que le petit cabas fera son effet. Ma pauvre Claire a été très gentille en cette occasion et je l’en aime encore plus. Je voudrais pouvoir me multiplier à l’infini pour aimer et pour faire plaisir à ces pauvres petits goistapioux du bon Dieu. Dis donc, Toto, a-t-il CRIÉ quand il m’a mordue ?
 [1] Voime, voime, viens-y pôlisson, me frotter ton nez sur ma pauvre figure, viens-y, viens-y. Dis donc, a-t-il crié quand il m’a mordu ? Ia ia monsire matame, che fous vigerai des goups.
À propos, j’ai écrit à Mme Krafft et à mon père [2]. La lettre de Mme Krafft est encore sur ma cheminée, qui attenda VOTRE LAISSEZ-PASSER [3]. Quant à celle de mon père, comme il fallait l’affranchir, je l’ai envoyéeb à la poste tantôt, voilà le forfait. Maintenant, baisez-moi et envoyez-moi tout de suite une bonne grande petite lettre que je dévore d’impatience depuis bien longtemps. Je la veux grande, grande, grande, grande comme votre, c’est-à-dire comme MON amour et je vous promets qu’elle ne sera pas finie en l’annéec 18oo42 [4]. Baisez-moi, mon Toto adorable et adoré, je vous dis que je vous aime. Baisez-moi. Tâchez de venir un peu vite ou bien je vous reprends une chaumière et MON CŒUR. Baisez-moi encore et n’oubliez pas de me bien ÉTRENNER EN 1842.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16347, f. 267-268
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « attends ».
b) « envoyé ».
c) « anné ».

Notes

[1Voir la lettre du 28 décembre où Juliette faisait déjà cette plaisanterie reprise de Hugo. Elle fait peut-être allusion au fait que Jacquot l’a déjà attaquée plusieurs fois en la mordant violemment (voir les lettres du 30 novembre ou du 15 décembre).

[3Hugo lit le courrier de Juliette avant qu’elle ne l’envoie.

[4À l’occasion de la nouvelle année, Hugo écrit toujours à Juliette une lettre qu’elle conserve précieusement dans le Livre rouge et qu’elle attend toujours avec une extrême impatience. C’est ce qu’elle appelle en général ses « étrennes ».

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