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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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17 décembre [1841], vendredi soir, 6 h.

Reviens-y, pôlisson, mettre tes BAUTTES sur mes belles chaises, tu verras comme je te recevrai. Je ne te conseille pas de tenter l’escalade une seconde fois, à moins que tu ne te tiennesa à voir d’une seule claque toute l’illumination des Champs-Élysées du 29 juillet 1842 [1]. Affreux salop qui ne m’apporte que des PUCES comme dans votre fameuse chanson. Je t’en flanquerai sur la bosse, des chaises en SATIN DE LAINE, pour y mettre tes affreux PIEDS. Tâche de trouver ça, il fera chaud. Cette charmante espièglerie vous a fait oublier votre montre, quand je vous dis que vous n’êtes bon à rien. Taisez-vous, taisez-vous, taisez-vous.
Il paraît que le Dabat ne veut pas sous aucun prétexte nous fournir du vernis. À votre place, j’aurais essayé de celui du JOCKEYb-CLUB [2] et j’aurais vu ce que cela faisait mais vous ne voulez pas, ça vous regarde en somme. Sur ce, baisez-moi et ne tardez pas à venir chercher votre montre. Je tiens à voir le plus possible votre CHIEN DE VISAGE. Vous mettriez bien du baumec dans VOS épinards [3] si vous veniez me prendre pour marcher un peu ce soir, mais je n’ose pas l’espérer. Vous n’êtes pas homme à vous prodiguerd et ce que vous me donnez d’un côté, vous me le retirez de l’autre, témoin cette nuit où vous n’êtes pas venu sous prétexte que vous me donneriez une petite LICHETTE de bonheur ce matin. Si vous croyez que c’est là ce qui rend une femme heureuse, vous vous trompez du tout au tout. Il est vrai que j’ai pour dédommagement toutes les cochonneries que vous faites chez moi, qu’il faut nettoyere pendant plus de huit jours, sans compter la chasse aux puces. Voime, voime, fort amusant et fort ragoûtant. Taisez-vous, affreux cochon, vous mériteriez que je le dise à tout le monde et que je vous mette un écriteau : - ceci est le plus grand SALOP de France et de Navarre ! Je suis dans un état d’exaspération à votre endroit difficilef à décrire. Je vous conseille de ne pas vous faire attendre et de filer doux EN MA PRÉSENCE. Baisez-moi scélérat, baisez-moi monstre, baisez-moi petit saligotg. Baisez-moi encore et dépêchez-vous bien vite ou sinon….

Juliette

BnF, Mss, NAF 16347, f. 219-220
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « tienne ».
b) « JOCKEI ».
c) « beaume ».
d) « prodiguez ».
e) « nétoyer ».
f) « difficille ».
g) Variante vieillie et populaire de « saligaud ».

Notes

[1Durant les journées des 27, 28 et 29 juillet, des festivités ont lieu à Paris en commémoration des Trois Glorieuses de la Révolution de Juillet : des salves d’artillerie à l’hôtel des Invalides, des représentations de pantomimes, des défilés, des orchestres de danse, des joutes sur l’eau, des concerts et à partir de la nuit, des feux d’artifice et de grandes illuminations des monuments et dans l’avenue des Champs-Élysées.

[2Le Jockey Club de Paris est créé en juin 1834 et porte au début le nom de Cercle d’encouragement. De 1836 à 1849, son président est Napoléon Joseph Ney, prince de la Moskowa. Le Jockey Club déménage en 1836 (et jusqu’en 1857) rue Drouot, à l’angle du boulevard Montmartre.

[3L’expression habituelle de Juliette est « du baume dans mes épinards ».

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