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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 7 février 1881, lundi midi

J’ai été forcée de renoncer à te donner ta seconde tasse de lait ce matin, mon cher petit homme, parce que tu dormais si profondément que je n’aurais jamais osé interrompre ton sommeil pour quoi que ce soit. J’espère que tu auras continué le même doux pionçage le reste de la matinée et j’en serai bien heureuse.
Cher adoré, tu t’es entretenu hier au soir avec Paul Meurice et tu as pu savoir de lui combien il approuve ma résolution et combien il est nécessaire d’en faire un acte définitif le plus tôt possible. Sans décliner la compétence du bon Lecanu dans ces sortes d’affaires, il pense, néanmoins, que l’expérience de Rouillon vaudrait mieux [1]. Il est aussi d’avis que l’immixtion de mon neveu [2] dans tes affaires de famille, loin d’être un appoint effectif à l’exécution de tes dernières volontés, serait plus tôt un embarras causé, non par défaut de dévouement absolu et religieux à ta mémoire et à l’intérêt de tes chers petits-enfants, mais par sa complètea ignorance des voies et moyens pour arriver à ce but. Aussi, mon cher bien-aimé, je crois que tu ferasb bien de renoncer à l’idée que tu avais de lui confier une part de l’honneur et de la confiance que tu lui accordes, avec tant de raison, au point de vue de la stricte probité et à celui, je te le répète, de son entier dévouement à toi et aux tiens, mais que d’autres, aussi probes et aussi dévoués que lui, mais connaissant mieux le droit te rendrontc s’il en était besoin. Je te dis mal cela parce que je suis moi-même très ignorante de toutes ces choses. Tout ce que je sais c’est que je suis très touchée, très fière et très reconnaissante que tu aies pensé à mon cher neveu pour l’appeler à une fonction aussi délicate et qu’il aurait certainement été très heureux d’accomplir au péril de sa vie s’il l’avait fallu, mais que son ignorance rendrait dangereuse peut-être dans un cas donné important.
Maintenant, mon cher adoré, permets-moi d’insister pour abréger les formalités que j’ai à remplir vis-à-vis de ma conscience ; tu as fait magnifiquement, trop magnifiquement même, ton devoir vis-à-vis de moi. À mon tour, maintenant, de te rendre la pareille. Je t’adore, aime- moi et nous serons quittes l’un envers l’autre, sur cette terre et au ciel.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

Collection particulière, MLM, 62260 0110/0112
Transcription de Gérard Pouchain
[Charpentreau]

a) « complette ».
b) « fera ».
c) « rendrons ».

Notes

[1Juliette fait allusion à son testament. Le 2 août 1882, Lecanu fera partie des témoins lors de la signature du testament de Juliette en faveur de Louis Koch.

[2Jean-Louis Koch, neveu de Juliette Drouet. Hugo songe à en faire l’un de ses exécuteurs testamentaires. Il y renoncera finalement à cause de son inexpérience en matière juridique

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