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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 octobre [1841], lundi soir, 6 h. ½

Reviens bien vite mon Toto bien-aimé, reviens tout de suite mon cher petit homme adoré. Tout me manque dès que tu me manquesa, je suis comme un corps sans âme, je ne sais plus que devenir. J’espère que tes BAUTTES te forceront à revenir tout de suite et j’en rends grâce à la nature et aux doubles semelles.
Dites donc, Toto, je n’ai plus que deux mois et cinq jours, Ia ia monsire. Mais aussi, après ces deux mois et cinq jours de souffrances, je serai en possession de la boîte que je désire le plus au monde (parmi toutes les boîtes qui se pavanent sous la calotte des cieux) [1]. Quantb à vous, méchant scélérat, je ne vous tiens pas la dragée si haute et vous êtes dès à présent en possession de mon beau manteau rouge et de mon admirable malle [2]. Voilà comme je suis généreuse, moi, et comme je ne fais pas languir celui que j’aime. Vous aurez la bonté d’emporter ce soir tous les petits sachets et toutes les petites poupées pour mes chères petites péronnelles de la Place Royale, et en les leur donnant vous aurez la bonté d’y ajouter plusieurs baisers comme appoint [3]. Je ne peux pas vous dissimuler que je trouve votre manière de récompense envers les deux pauvres petits goistapioux de la dernière escobarderie [4] et sentant son Robert Macaire [5] de plusieurs lieues. À leur place je ne vous rendrais que…………c MES DEVOIRS et pas un liard avec. Ah bien peu souvent que je rendrais l’argent. JE GARDE MON HONNEUR ET JE N’AI PAS DE COMPTE À VOUS RENDRE, SEIGNEUR [6]. Vous abusez un peu trop de votre autorité et du PRESTIGE de votre NOM D’UN NON D’UN NON, ce n’est pas Juju qu’on ferait aller comme ça. Viens-y voir, pôlisson, un peu pour voir seulement et tu verras comme je te recevrai, mais viens-y donc. Capon capon capon, tu n’oses pas, tu cagnes [7] capon capon [8].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16347, f. 55-56
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « manque ».
b) « Quand ».
c) Nombreux points de suspension impossibles à comptabiliser car l’écriture n’est pas nette.

Notes

[1Juliette parle d’une petite boîte à tiroirs qu’elle réclame depuis le début de l’année, et que Hugo a promis de lui offrir pour le nouvel an. Elle la recevra finalement en avance le 20 novembre.

[2Début septembre, Juliette a donné à Hugo ce qui était une « affreuse malle vermoulue » et qu’elle a transformée en « un charmant petit coffret en tapisserie ». En échange, elle avait réclamé certains objets, comme la boîte à tiroirs.

[3Juliette appelle ainsi les filles de Hugo, Léopoldine et Adèle. C’est surtout sur la seconde qu’elle concentre ses attentions et en août, elle lui a déjà offert une jolie poupée baptisée Gobéa.

[4Familier : subterfuge, faux-semblant, mensonge adroit.

[5Personnage de bandit, de traître, de voyou philosophe et d’affairiste sans scrupule. Il est créé par Benjamin Antier, Saint-Amand et Polyanthe, et incarné avec grand succès par le grand comédien Frédérick Lemaître dans le drame l’Auberge des Adrets, représenté pour la première fois en 1823. Il est ensuite repris en 1834 dans une deuxième pièce intitulée Robert Macaire.

[6Citation de Marion de Lorme, réplique de Le Gracieux à Laffemas, acte III, scène VIII : « Je garde mon honneur, / Et je n’ai pas de compte à vous rendre, seigneur ! »

[7Populaire : reculer devant une besogne difficile ou dangereuse.

[8Familier : poltron, lâche.

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