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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 septembre [1841], dimanche après-midi, 2 h. ¼

Mon cher petit bijou d’homme, nous avons bien regretté, Claire et moi, de ne vous avoir pas demandé la permission de faire couper les cheveux de la susdite Clarinette afin de les empêcher de tomber tous et de les faire repousser plus épais pendant qu’elle est encore jeune. Nous n’avons pas voulu vous faire cette surprise sans vous en avoir prévenu dans la crainte de vous faire tomber de votre O. J’espère que vous n’y verrez aucun empêchement car c’est d’urgence.
Jour Toto, comment m’aimez-vous, mon cher petit ? Ceci est un point d’[point d’interrogation géant]interrogation et, quanta au volatile, vous le connaissez, [dessinb], que du reste c’est un cochon volant avec lequel vous avez plus d’un point de ressemblance, sans en excepter les ailes et la queue [1] ?
Il me semble que vous ne m’avez pas donné à copier ? Pourquoi, mon amour ? Je me suis cependant assez dépêchéec hier pour vous encouragerd à me redonner bien vite autre chose. J’aurai tout le temps tout à l’heure dès que je me serai débarbouillée car il est très probable que le mauvais temps empêchera la mère Pierceau de venir [2]. Vous seriez donc quarante millions de fois aimable si vous veniez bien vite me donner de la copie et un bon gros baiser sur le museau.
Je n’ose pas vous prier de nous mener à Ruy Blas ce soir si on le donne parce que je sais que vous ne m’écouteriez pas, mais j’en ai bien envie et Clarinette aussi. Toto je vous aime, entendez-vous ça. Je vous aime et je vous adore et je commence à trouver déjà le temps bien long depuis que vous êtes parti. Tâchez de revenir avant ce soir, mon amour. Jour Toto, jour mon petit o. Mon Dieu que c’est long d’attendre encore quinze jours pour s’en aller. Je me figure que cet ajournement prolongé cache un affreux guet-apense au bout duquel il n’y aura pas le moindre voyage. [3] Si cela était, je suis capable de m’en aller toute seule au bout du monde [4].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16346, f. 249-250
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « quand ».
b) Dessin d’un cochon à la queue en tire-bouchon avec des ailes :

© Bibliothèque Nationale de France


c) « dépêché ».
d) « encouragé ».
e) « guet à pens ».

Notes

[1Juliette qualifie souvent Hugo de « cochon, goret, porc », en raison semblerait-il de son manque de soin récurrent. Déjà le jeudi précédent, elle l’a représenté sous les traits d’un petit cochon rose.

[2En général, le dimanche soir, quelques amies de Juliette Drouet viennent dîner chez elle. Il s’agit de Mme Triger, de Mme Guérard, de Mme Bensancenot et de Mme Pierceau, beaucoup plus rarement de Mme Krafft

[3Depuis 1834, le couple a pris l’habitude d’effectuer un voyage de quelques semaines ou mois pendant l’été et le printemps. Mais en 1841, le poète est trop occupé par la rédaction monumentale du Rhin, et leur voyage annuel n’aura pas lieu.

[4Juliette a déjà été capable de prouver à Hugo qu’elle ne plaisantait pas. En effet, en août 1833, suite à une violente dispute, elle a brûlé toutes les lettres qu’il lui avait envoyées. Et le 2 août 1834, elle s’est enfuie en Bretagne avec sa fille, obligeant Hugo à venir la chercher. Cependant, elle possédait encore ses ressources propres ; en 1841, Juliette ne peut plus se permettre de telles réactions.

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