17 novembre 1879

Paris, 17 nov[embre] [18]79, lundi matin, 7 h. ½

Il ne tiendrait qu’à moi, mon cher grand homme, de te rendre responsable d’une partie de ma mauvaise nuit mais j’aime mieux en rire avec toi, c’est moins bête et c’est aussi triste.
Figure-toi que j’ai failli te porter hier soir une lettre de l’heureux mari de l’honnête épouse Zélie Robert qui te remercie de la dernière lettre que tu as écrite à sa femme et qui en profite pour te demander d’y ajouter, pour lui-même, directement, encore beaucoup d’autres choses ! Mais j’ai craint de troubler le commencement de ta nuit et j’ai remis à ce matin à t’en parler pour te dire de ne pas te gêner pour répondre ouvertement aux lettres^a de cette dame quand moi je te remets les siennes ouvertement ouvertes par moi.
Autre sujet d’émoustillement une souris à la tête de mon lit entre le dossier et le traversin ! Tu vois d’ici ma figure ! Il ne m’en fallait pas tant pour éloigner de moi tout sommeil et je me suis jetée au bas de mon lit et je me suis mise à lire en attendant le jour et voilà ! C’est la troisième nuit que je ne dors pas. Il est vrai que j’en ai l’habitude mais c’est égal, c’est ROIDE comme dit le bon Lesclide, la preuve c’est que je suis éreintée et que je ne tiens ni à fer ni à clou ce matin.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 278
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette

a) « lettre ».