21 août 1879

Paris, 21 août [18]79, jeudi matin, 8 h.

J’apprends avec tristesse, mon pauvre bien-aimé, que tu as eu une mauvaise nuit, comme si c’était trop pour toi d’avoir deux bonnes nuits de suite. Pourtant après une vie d’un labeur si suivi et qui se continue toujours par des œuvres de plus en plus sublimes et toujours de plus en plus bénies, il semble qu’il ne serait que juste de t’accorder la part de repos accordé à tous les autres hommes. C’est un grand regret et un grand souci pour moi chaque fois que le malaise s’ajoute à ton insomnie ; aussi suis-je ce matin toute troublée et très malheureuse. J’espère pourtant qu’un bon somme te remettra, c’est pourquoi je n’ai pas voulu te réveiller pour savoir comment tu allais. J’y retournerai tout à l’heure.
Lesclide est en train de faire le triage et le classement des lettres de la semaine dernière. J’ai eu un moment l’idée de le charger d’inviter les trois aéronautes^a [1] pour lundi ou pour samedi mais je ne veux pas le faire avant de savoir si cela te convient. Il est convenu avec Rosalie que les fumistes [2] commenceront^b leurs travaux mercredi prochain, ce qui nous donnera le temps d’épuiser toutes nos invitations et celui d’avertir tous nos amis de fondation d’ici-là. Cher bien-aimé, je te dis toutes ces choses ennuyeuses^c pour te tenir au courant pendant que mon cœur déborde de tendresse.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 206
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette

a) « aréonautes ».
b) « commencerons ».
c) « ennuieuses ».