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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 janvier [1836], mercredi matin, 10 h. ¼

Bonjour mon chéri, j’ai rêvé de toi toute la nuit et de ton chéri petit TOTO - VICTOR HUGO – je vous aime tous les deux mais toi tu as la plus grosse part comme étant le plus grand.
Comment as-tu passé la nuit, mon cher bien-aimé ? Ce n’est plus pour moi que je te le dis mais tu te fatigues trop, tu tomberas vraiment malade si tu n’enraies pas un peu cette excessive préoccupation de tous les jours et de tous les instants. Tâche de faire un effort pour t’isoler un peu de toute affaire et de tout travail. Je t’assure que tu en as besoin, mon pauvre petit adoré.
Il fait bien froid et bien beau aujourd’hui. Voici un temps favorable pour courir les logements et à ce sujet-là, je dois te dire, mon cher bien-aimé, que je me logerai où tu voudras [1], que les observations que je te fais ne signifient jamais rien au fond parce que je ne veux faire absolument que ce que tu veux.
Je vous aime, mon Toto, plus qu’il ne le faudrait dans des temps comme ceux-ci où vos affaires ne vous laissent pas le loisir de vous en apercevoir.
Je vous aime trop car je suis jalouse de tout, même sans aucun sujet, et que dans cette circonstance, j’ai des raisons plus que suffisantes pour me tourmenter outre mesure. Mais j’oublie que tu n’as pas le temps de t’occuper ni de moi, ni de mes jalousies. Eh bien, je t’aime, voilà tout. Je passe ma vie, mes jours, mes nuits à t’aimer. Il n’y a pas autre chose que cela. Ça n’est pas bien long. Mes caresses je te les donne en pensée, ça n’est pas bien fatiguant.

J.

BnF, Mss, NAF 16326, f. 15-16
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa


20 janvier [1836], mercredi soir 8 h.

Pardonne-moi, mon cher bien aimé, pardonne-moi, d’avoir ajouté un ennui à ta tristesse si légitime et que je partage. Car tout ce que tu aimes, je l’aime aussi et mon cher petit Toto par dessus tous les autres. D’abord parce qu’il te ressemble, parce qu’il s’appelle TOTO VICTOR HUGO. Ensuite parce que le pauvre petit ange souffre. Toutes ces raisons font que je sens aussi vivement que toi les inquiétudes que tu as à son sujet. Il fallait que je souffrisse moi-même des tortures intolérables pour te parler de moi dans un moment où tu étais triste. Pardonne-moi, mon cher bien-aimé. Je suis jalouse, c’est-à-dire que je suis féroce, absurde, mais cela veut dire encore bien mieux que je t’aime de toutes les forces de mon âme. Ce n’est pas moi qui crains le MIROIR MAGIQUE. Je donnerais bien des choses pour qu’il existât, mais je n’y crois pas, voilà tout. Si ce miroir existait, tu pourrais voir ce qui se passe dans ma chambre et moi je te dirais ce qui se passe dans mon cœur, de cette façon tu saurais et tu verrais tout ce qui regarde ta pauvre Juju.
Je viens d’écrire à Toinette. J’ai envoyé la lettre sans t’attendre parce que je suppose que cela ne t’intéresserait pas assez pour retarder de la mettre à la poste.
Je n’ai pas encore fait ma soupe car nous n’avons faim ni l’une ni l’autre et que nous attendons qu’elle vienne (la faim).
Je t’aime mon amour, je t’aime ma joie. Je t’aime de tout mon cœur, de toutes mes forces. Si je suis méchante, c’est que je t’aime. Si je suis bonne, c’est que je t’aime, si je suis triste, c’est que je t’aime. Si je suis joyeuse, c’est que je t’aime, c’est que je crois que tu m’aimes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16326, f. 17-18
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

Notes

[1Juliette Drouet s’apprête à quitter son logement de la rue des Tournelles, qu’elle occupe depuis octobre 1834. Elle emménagera le 8 mars au 14, rue Sainte-Anastase.

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