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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 mai 1841

8 mai [1841], samedi soir, 15 h. ¾

Merci, mon bon petit bien-aimé, merci mille fois de m’avoir conduite voir mon pauvre père [1] dans un moment où tu es si occupé et si préoccupéa. Tout ce que tu fais de bon pour moi n’estb pas perdu, mon adoré, car je le sens avec le cœur et l’âme et je t’aime.
J’ai trouvé Mme Pierceau seule chez elle, ne m’attendant guère mais contente de me voir [2]. Elle vient de descendre acheter le dîner, ce qui ne t’empêche pas de venir me prendre avant, pendant et après, au contraire. Ce serait la plus grande joie que tu pourrais me faire que de venir me chercher pour passer notre soirée au bord de l’eau, même sans Marronniersc [3], sans dîner et sans feu d’artifice [4]. Être avec toi, rien qu’avec toi, n’entendre que toi, ne voir que toi c’est ma vie, mon bonheur et ma joie. Mais je n’ai pas l’espoir que ce bonheur m’arrive aujourd’hui, je n’ai rien qui puisse m’en donner l’intuition.
Je suis triste de l’état de mon pauvre père et j’ai un mal de tête horrible qui augmente de moment en moment. Tu vois, mon adoré, que si tu venais me prendre pour passer le reste de la journée ensemble, ce serait tout à fait une surprise, mais je te le répète, je n’y compte pas. Voici Mme Pierceau de retour avec la fricassée. Dans l’intervalle, j’ai vu la célèbre voisine CHRISTINE qui m’a dit à Dieu la Daigne avant de s’en aller avec sa bonne [5]. Je donnerais deux sous pour en avoir une pareille mais vous ne voulez pas et je ne peux pas la faire à moi toute seule. D’ailleurs où serait le charme ? Je le pourrais que je ne le voudrais pas, c’est votre COLLABORATION que je veux. Je vous forcerai pourtant à essayerd ce soir et si vous n’y mettez pas toute votre science vous aurez affairee à moi. En attendant, je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16345, f. 131-132
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « préocupé ».
b) « n’es ».
c) « marronniers ».
d) « esseyer ».
e) « à faire ».

Notes

[1L’oncle de Juliette, René-Henry Drouet, est hospitalisé aux Invalides, très malade, mais sa seconde épouse, une dame Godefroy, lui donne des soins et envoie régulièrement par lettre de ses nouvelles à Juliette qui a reçu d’elle, le 5 février, « une permission de le voir tous les jours de midi à trois heures. »

[2Mme Pierceau a accouché, le 15 mars, d’un petit garçon. Voilà vraisemblablement la raison pour laquelle c’est Juliette, exceptionnellement, qui lui rend visite chez elle.

[3Restaurant célèbre de Bercy.

[4Juliette parle soit des festivités du week-end précédent en l’honneur de la fête du roi Louis-Philippe, célébrée le 1er mai, jour de la Saint Philippe, soit du fait que les dimanches et jours de fête, au « joyeux Bercy », on tirait des feux d’artifices sur les bords de Seine.

[5À élucider.

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