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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 juillet [1836], mercredi après-midi, 3 h. ½

Cher petit homme adoré, à peine êtes-vous parti que je suis triste comme un vieux bonnet de nuit. Vous devriez bien tâcher de ne vous en aller jamais pour que je sois toujours GEAIE. À cette condition je vous permettrai de me chatouiller tant que vous voudriez, ou bien si vous ne pouvez pas rester toujours avec moi nous en aller ensemble à Édimbourg. Je me laisserais tâter mes blancs de poulet tout le temps que durera notre voyage. Vous voyez que les conditions ne sont pas mauvaises et valent la peine qu’on y réfléchisse.
Cher petit homme chéri, c’est bien vrai que je suis triste dès que tu n’es plus là pour me faire gaie et heureuse.
Je suis fabuleusement sale parce que j’ai fait un grand remue-ménage depuis que tu es parti. Ça ne m’empêche pas de désirer votre retour autant que si j’étais belle et très parée. Ça prouve que je vous aime de toutes mes forces et de tout mon cœur et que je n’ai pas une pensée qui ne soit à vous.
Vous devriez venir ne fût-cea que pour prendre une tasse de l’excellent bouillon froid que vous avez manqué ce matin. Vous ferez bien plaisir à votre Juju et vous, vous mériterez sa reconnaissance éternelle. En attendant elle vous aime, elle pense à vous et vous envoie mille baisers par seconde.

Juliette

BNF, Mss, NAF 16327, f. 186-187
Transcription de Nicole Savy

a) « fusse ».


27 juillet [1836], mercredi soir, 8 h.

Je viens de m’occuper de votre souper mon petit chéri. Maintenant il ne manquerait plus que vous ne veniez pas du tout le manger. Ce serait ravissant et CARTONNANT à un point que je n’ose pas dire car je crois que je serais capable de me suicider, d’autant plus que je n’ai pas dîné [1] du tout pour avoir un appétit féroce ce soir.
Voici déjà l’heure du spectacle passée. Je ne m’en plains pas, ça m’est égal, au contraire même j’aimerais mieux n’y pas aller car toutes les pièces que nous voyons sont encore plus bêtes que nous, ce qui n’est pas peu dire.
À propos j’ai mis un vrai corset aujourd’hui. J’ai été effrayée de mon monstrueux embonpoint et c’est bien traître à vous de ne m’avoir pas dit cela plus tôt. Au reste vous serez doublement puni de votre sournoiserie car je compte débuter demain soir par LUCRECE et MARIE TUDOR. Je me sens assez robuste pour supporter ces deux rôles.
Il fait presque nuit. À peine si je vois pour mettre une lettre l’une devant l’autre. Heureusement que j’y vois assez pour ne pas mettre mon amour dans mon oreille et que je peux vous embrasser tout de même dans l’ombre.

Juliette

BNF, mss, NAF 16327, f. 188-189
Transcription de Nicole Savy

Notes

[1Juliette entend par là le fait qu’elle n’a pas déjeuné : on parlait encore de « dîner » pour le repas du milieu de journée, à ne pas confondre avec le souper du soir.

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