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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 juillet [1836], mardi après-midi, 3 h. ¾

Cher petit homme bien-aimé, vous êtes bien charmant d’être venu surprendre votre Juju au moment où elle croyait le moins vous voir. Vous mériteriez qu’on vous aimâta rien que pour cela si déjà vous n’étiez adoré pour toutes sortes de raisons, dont la première de toutes et meilleure c’est que je vous aime.
Pendant que vous êtes à Fourequeux [1] moi je vais aller me promener aux Tuileries, ça vous apprendra à faire le mystérieux (ran ! pan !). D’ailleurs ce ne sera qu’une revanche que je prendrai sur la visite que vous avez faiteb à Mme la Marquise de Lépinayc dans l’atelier de M. de Châtillon [2].
Si je n’avais pas si mal à la tête je vous chanterais une fameuse gamme à ce sujet-là : Mais il ne peut embrasser sa fille, Plaignez plaignez le pauvre chiffonnier  [3].
J’espère que vous viendrez me dire un petit bonjour avant de monter en voiture vous me trouverez sous les armes, et toute prête à aller faire la belle dans le jardin de Louis-Philippe. En attendant et pour n’en pas perdre l’habitude, je vais vous aimer jusque par-dessus les tours de Notre-Dame. Mon Toto chéri je vous aime je vous adore pour tout de bon.

Juliette

BNF, Mss, NAF 16327, f. 182-183
Transcription de Nicole Savy

a) « aima ».
b) « faites ».
c) « L’Épinai ».


26 juillet [1836], mardi soir, 7 h. ¼

Vous voyez bien mon cher petit homme que vous êtes à Fourqueux quoique vous en disiez. Je vous pardonne cette cachotteriea parce que je l’attribue à votre stupide défiance et que j’espère que vous ne me faites aucune trahison par là.
Il fait un affreux temps d’orage qui m’entretient mon mal de tête avec succès. J’ai envoyé chercher mes chapeaux, il n’y en avait qu’un de prêt mais c’est assez dans le cas où vous viendriez me chercher pour sortir. Je n’aurai plus besoin de me coiffer d’un bonnet à poilsb comme hier au soir.
Je vous aime vous, et vous m’aimez-vous ? Je voudrais encore être à cette nuit et à ce matin, et vous, voudriez-vous y être aussi ? Je vous donnerais une fameuse PRIME si vous veniez me chercher pour dîner avec vous ce soir. Je vous donnerais : TOUT CE QUE VOUS VOUDRIEZ. Vous voyez bien que ma proposition ne vous tente pas. Vous en êtes témoin.
Mon cher petit Toto je t’aime de tout mon cœur je t’assure. Je ne pense qu’à toi, sans cesse à toi. Je suis heureuse quand tu es là, je suis triste quand tu es absent. Mais n’importe en quel temps je t’aime toujours de plus en plus.

Juliette

BNF, Mss, NAF 16327, f. 184-185
Transcription de Nicole Savy

a) « cachoterie ».
b) « poil ».

Notes

[1Faute d’orthographe intentionnelle et grivoise : Juliette soupçonne Hugo de la tromper (avec sa femme ?)

[2C’est en effet en 1836 qu’Auguste de Châtillon peint le portrait du poète et de son fils François-Victor, qui est conservé aujourd’hui à la Maison de Victor Hugo.

[3Refrain d’une romance tirée d’un vaudeville d’Étienne Crétu (1793-1878), Le Chiffonnier ou le Philosophe nocturne (1826) : « Il n’osait embrasser sa fille, / Plaignez le pauvre chiffonnier. »

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