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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 octobre [1837], vendredi après-midi, 2 h.

Je me suis occupée de vous mon cher adoré. Vous avez une très belle boîte en bois doublée de rose et qui semble être faitea exprès pour contenir les coquillages [1]. De plus elle ferme À CLEF FA MEUX [2].
Maintenant mon cher bien-aimé, que je te dise combien cette petite apparition de ce matin m’a fait de bien et combien je suis heureuse. Pauvre adoré c’est bien vrai que toi tu as le bonheur, la joie et la richesse. Je t’aime. Je te remercie d’avoir pensé aux livres. Maintenant il faut mener à bien ce commencement et tâcher de les avoir finis à la fin de ce mois-ci [3]. Je vais écrire à Jourdain pour qu’il vienne poser les tapis. Ce sera toujours autant d’économiséb sur le bois. Il me semble que c’est assez bien vu.
Que je t’aime mon petit o. Que je vous aime mon gros to. Si j’osais j’abuserais de votre candeur et de votre innocence pour vous faire finir ce pauvre portrait qui se plaintc d’être oublié et pas pendu à mon mur. Si vous voulez avoir seulement 2 h. de complaisance je suis sûre que ce bon N [4]. ne demanderait pas mieux que de faire ça pour moi. Mais vous ne voudrez pas et j’en serai pour mes frais de prières et de supplications. MÉCHANT TOTO. Je t’aime tout de même.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16331, f. 241-242
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « fait ».
b) « économiser ».
c) « plein ».


6 octobre [1837], vendredi soir, 8 h. 10 mn.

Mon cher petit homme adoré, vous êtes bien bon et bien charmant de venir de temps en temps vous poser où je PERCHE [5]. Je voudrais bien que mon sein fût un ARBRE ousqu’on puisse s’y percher [6] afin d’avoir l’avantage de vous y recevoir plus souvent. Je ne sais plus de quel côté tourner ma plume. Elle n’écrit ni d’un [ni] d’autre côté, il faut que j’emploie la ruse et la violence pour en venir à bout. C’est absolument comme avec vous. Est-ce que je ne vous verrai pas ce soir ? Oh si, n’est-ce pas ? Ça fait tant de bien un petit peu de bonheur et de joie sur son pain. Et puis je veux que vous emportiez la petite boîte et ce qu’elle contient. Je suis toujours impatiente de faire un plaisir à cette bonne petite Didine et à toute cette petite famille ravissante que j’aime et que je bénis depuis le matin jusqu’au soir. J’entends la porte de la rue. Si c’était vous ! Mais non ce n’est que M. Besancenot que j’estime et que j’honore en attendant que vous veniez en personne NATURELLE m’aimer et me chatouiller. Soir pa, soir man. Je vous aime, je vous adore et je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16331, f. 243-244
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

Notes

[1Voir la lettre du 24 septembre au soir : le « père » de Juliette avait apporté des coquillages. Juliette a réservé les plus beaux pour Victor.

[2Jeu sur la formule « FÂME », avec insistance sur la prononciation du « e » final muet. Il s’agit sans doute ici de l’imitation ironique d’un ordre donné à une femme par un homme (« La clef, femme ! »), doublée du jeu de mots avec l’adjectif « fameux » et éventuellement d’une allusion à la « clef de Fa » musicale voire à la « clef femme » de la grammaire chinoise.

[3Juliette fait référence à des livres que Hugo a promis de faire relier en cadeau pour Mme Krafft.

[4Il peut s’agir de Célestin Nanteuil.

[5Juliette habite à l’étage, mais la graphie insistante marque le double usage du mot qui, de verbe, peut se lire comme substantif à connotation érotique.

[6La relative (« où l’on puisse se percher ») est volontairement fautive, par imitation du parler populaire.

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