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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 janvier [1840], samedi après-midi, 1 h. ½

Bonjour mon cher petit bien-aimé. Comment vas-tu mon adoré et comment m’aimes-tu ? Moi je t’aime de toute mon âme, voilà comment je me porte car pour le reste c’est hideux : j’ai la tête comme un boisseau, les yeux pleurent, enfin je n’en peux plus c’est une migraine des plus corséesa. J’ai reçu une gentille petite lettre de Claire ce matin, j’espère enfin qu’elle va prendre le mors aux dents et que nous en serons plus contents cette année-ci. Mais je t’aime qu’on vous dit ? Vous pouvez venir ce soir souper en toute sûreté, j’ai un poulet charmant qui ne demande qu’à être croqué par vos belles dents, moi je ne demande que plaie et BOSSE, ainsi vous pouvez vous risquer. Ce sera bien bon et bien gentil et je baiserai vos chers petits pieds avec des hurlements de joie. QUEL BONHEUR !!! À propos de bottes comment vont les tiennes ? Il me semble qu’il aurait mieux valub pour tes chers petits pieds laisser cette paire-là jusqu’à ce qu’elle soit arrangée par M. Dabat et mettre les autres en attendant ? Je ne comprends pas qu’on s’impose volontairement le supplicec du Brodequin, enfin c’est votre goût mais ce n’est pas mien je vous en réponds. Mon Toto est bien i, je l’aime mon Toto. Je vais copire le reste du petit album aujourd’hui et puis je tourmenterai mon amour pour avoir le fameux premier ACTE [1]. C’est là où je pousserai mon cri de guerre. En attendant, je ne pousse que des soupirs que vous n’entendez même pas tant votre cœur est fermé et sourd.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 92-93
Transcription de Chantal Brière

a) « corcées ».
b) « vallu ».
c) « suplice ».


25 janvier [1840], samedi soir, 4 h. ¾

Vous ne faites que paraître et disparaître, mon Toto, et vous voulez que je trouve ça ravissant et satisfaisant, vous vous trompez joliment. Je ne trouve pas ça drôle et je ne veux pas m’y abonner du tout. Vous voir cinq minutes par jour, merci c’est trop peu. D’abord ça m’entretient un mal de tête ignoble que je n’aurais pas sans ça. Voilà deux jours que je souffre atrocement, je n’en peux plus. Comment se fait-il donc que Mme de Girardin dise que c’est hier qu’a eu lieu la soirée du duc d’Orléans ? Il me semble qu’elle a eu le temps d’en être bien informée et je ne comprends pas l’erreur ? Pourvu que vous m’ayez bien dit la vérité, mon Toto bien-aimé, pourvu que ce ne soit pas à une autre soirée que vous êtes allé ? Ce serait bien mal de me tromper, mon Dieu. Je vais grignotera cette mauvaise pensée jusqu’à ce que je vous aie revu et que vous m’ayez assuré, de nouveau, avec votre charmante petite bouche sincère, que c’est bien chez le duc d’Orléans que vous êtes allé jeudi dernier. En attendant pense à moi mon chéri et reviens me trouver bien vite. Je pense que le Manière viendra ce soir. Dans tous les cas je serai très boutonnée [2] à l’endroit d’Harel et de toi. Si tu me trouves couchée ce soir, ne t’inquiète pas c’est que j’aurai eu trop mal à la tête, mais cela se passera probablement cette nuit. Surtout si tu viens déjeuner avec moi. Tu sais que c’est mon fameux remède, aussi je te le demande avec prières car je suis au bout de mon courage et de ma patience. Aime-moi mon Toto. Aime-moi. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 94-95
Transcription de Chantal Brière

a) « grignotter ».

Notes

[1Hugo tarde à reprendre Les Jumeaux, qu’il songe à faire jouer, mais dont il a interrompu la rédaction en août 1839. La pièce restera inachevée.

[2Boutonné : Qui ne livre pas ses pensées, qui n’extériorise pas ses sentiments (Trésor de la langue française).

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