Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1849 > Mai > 21

21 mai 1849

21 mai [1849], lundi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon Toto, bonjour, la joie de ma vie, bonjour, mon bonheur, bonjour, mon amour adoré. Tu vas toujours de mieux en mieux n’est-ce pas ? Tant mieux toujours et culottes bientôt, voilà mon opinion politique et culinaire. J’espère que tu n’auras pas oublié mon bouquet  ? Je l’attends avec confiance et impatience et ne croirai à ma fête que quand je l’aurai reçu [1]. Jusque-là je me considère comme une pauvre Juju oubliée et abandonnée, malgré les fleurs, les pelotesa, les housses, les bouteilles de vin de mes péronnelles [2]. Toutes ces choses seront moins que rien si tu n’y ajoutes pas quelques douces fleurs de ton âme, quelques bonnes pensées de ton cœur. J’y compte, mon adoré, comme si je les tenais déjà et j’en éprouve d’avance toutes les émotions de la reconnaissance et de la joie. Merci, mon bien-aimé, merci, que le bon Dieu te rende en bonheur l’amour sans borne que j’ai pour toi et tu n’auras rien à désirer en ce monde. Parmi les choses que l’on m’a données, il y en [a] que je partagerai avec toi. Je continue à te considérer comme mon copainb. C’est d’autant plus désintéressé de ma part que je ne suis pas la vôtre du tout et que vous ne partagez avec moi que ce que vous me prenez, et encore il arrive bien souvent que vous prenez tout à la façon de Montgomeryc mon ami. Du reste vous avez raison et si vous me laissiez faire, je crois que je suivrais facilement votre exemple. Malheureusement, vous ne vous prêtez pas à cette banque d’échange, ce qui fait que je ne peux pas user de cette douce représaille à l’occasion. J’en suis pour mes frais de générosité et de nez de carton, aimable compensation de mes sacrifices. Baisez-moi, cher Toto, vous avez raison de me dépouillaliser [3], c’est un plaisir de plus que vous ajoutez à tous ceux….. qui me manquent. Baisez-moi et taisez-vous, vous n’avez que ce que vous méritiez.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 143-144
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « pelottes ».
b) « copin ».
c) « Montgommerie ».


21 mai [1849], lundi après-midi, 2 h.

La voilà donc enfin, ma chère petite lettre, celle que j’attends depuis ce matin avec tant d’impatience et d’amour [4], la voilà, je la tiens, je la baise, je la lis, je l’adore. Toutes mes sensations de bonheur se réveillent et se multiplient pour la savourer et pour l’admirer dans tout ce qu’elle a de doux, de bon et de sublime. Il me semble en la lisant que mon âme s’imprègne tout entière d’un rayon ineffable d’espérance et de divine joie. Je crois à tout ce que tu me promets comme si c’était Dieu même qui me le disaita. Mon amour c’est ma conviction et ma foi, aussi je me confie à toi en toute sécurité et sans la moindre crainte de cette vie ni de l’autre. Mon Victor béni, mon sublime petit homme, je suis déjà au ciel en lisant ton adorable lettre. Merci mon tout bien-aimé. Je commençais à m’attrister de ne pas avoir ma chère petite lettre quand on me l’a remise tout à l’heure. Je ne t’accusais pas cependant, mais je craignais que la poste ne l’eût égaré enfin j’étais bien impatiente et bien malheureuse il y a un instant et je suis au comble de mes vœux dans ce moment-ci. Quand je dis au comble de mes vœux, cela n’est pas tout à fait exact car je te désire autant et peut-être plus encore que je ne désirais ma petite lettre tout à l’heure. J’espère qu’il n’y a pas de malentendub et que tu n’iraisc pas de ton côté seul à l’Assemblée pendant que je t’attends. Il me semble qu’il a été bien convenu hier que je me tiendrais prête pour une heure ? Aussi j’attends avec courage. Seulement si je savais avoir le temps d’aller jusqu’à la rue des Martyrs avant que tu viennes, j’irais commander le fameux vol-au-vent en question. Mais je n’ose pas me risquer dans la crainte de te manquer ou de te faire attendre. Avant tout te voir, avant la vie, t’aimer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 145-146
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse
[Souchon]

a) « dise ».
b) « mal entendu ».
c) « irai ».

Notes

[1Victor Hugo a pour habitude d’envoyer une lettre à Juliette Drouet tous les ans pour sa fête, à la Sainte-Julie

[2Très vraisemblablement Julie et Louise Rivière.

[3Mot-valise combinant les verbes « dépouiller » et « dévaliser ».

[4Cette lettre est éditée par Jean Gaudon, ouvrage cité, p. 183. Elle commence ainsi : « Tu veux ton petit mot, mon cher ange, tu l’auras. Moi aussi je veux que tu l’aies. Ma pensée s’en va vers toi d’elle-même dans ces douces journées qui nous rappellent des anniversaires et qui sont comme le reflet de tous nos anciens et adorables bonheurs. […] »

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne