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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 juin 1855

Jersey, 20 juin 1855, mercredi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon ineffable bien-aimé, bonjour, tout mon bonheur lumineux, bonjour, je t’aime. J’espère que tu n’auras éprouvé aucun mal de ta course précipitée d’hier au soir ? Cher, cher adoré, ce serait payé trop cher la joie de te voir une minute, quoique cette suprême minute soit pour moi un long rayon d’amour qui étincelle dans mes rêves de la nuit et soit mon soleil le jour. Je te remercie doublement d’être revenu hier pour rompre mon lourd et ennuyeuxa tête-à-tête avec l’honnête mais fastidieux petit Préveraud. Il est impossible d’être plus terne et plus insignifiant que ce brave petit homme-là, et surtout plus patient à vous impatienter de ses billevesées qui ressemblent à de la paille hachée menue dans la conversation. C’est un Allix ignorant mais aussi fatiguant et aussi tenace que lui à l’embêtement du prochain. Du reste, il est probable (probable est modeste) que je critique leur paille pour mieux fermer l’œil sur ma poutre car c’est toujours ainsi depuis les temps bibliques ; mais cela ne m’arrête pas, au contraire.
Je pensais que je verrais passer Vacquerie, ce matin, car c’est son chemin naturel pour aller au port mais je ne l’ai pas vu ni aucun des tiens. Peut-être a-t-il pris une voiture ou ajourné son départ ? Dans tous les cas, je souhaite à ce pauvre garçon de trouver une immense joie là où il craint de rencontrer un grand deuil et de garder le plus longtemps possible dans la vie sa sainte et digne mère, que je vénère pour tous les malheurs qui l’ont si cruellement frappée et dont j’aime le fils pour le dévouement pieux et filialb qu’il t’a consacré avec tant de persévérance et de courage [1]. C’est une manière pour moi de t’aimer plus que plein mon cœur et plein mon âme. Aussi tous ceux qui t’admirent et qui t’aiment sont pour moi les foyers de mon propre amour ! Je m’explique mal mais je sens bien et je t’adore mon divin bien-aimé.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16376, f. 257-258
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa

a) « ennuieux ».
b) « fillial ».

Notes

[1Vacquerie, parti le 20 juin au chevet de sa mère malade, reviendra fin juillet.

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