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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 mai 1855

Jersey, 25 mai 1855, vendredi après-midi, 3 h.

C’était bien la peine de me confisquer ma chambre et d’y faire un affreux remue-papier pour ne plus revenir. Quel diable de chien avez-vous donc à fouetter chez vous, que vous abandonnez tous vos FOUILLIS si carrément bien que vous ne m’ayez pas laissé la responsabilité. J’ai pris sur moi de fermer les deux fenêtres pour plus de sûreté. Du reste, pas plus d’Asplet [1] que dessus la main. Il est probable que dans six mois je ne serai pas plus avancée qu’aujourd’hui et mon album pas davantage, si je ne harcèle pas sans relâche tous mes OFFICIEUX, vous compris ; ce à quoi je ne manquerai pas, je vous prie de le croire. En attendant Mme Charrassin m’a écrit une lettre des plus gracieusesa dans laquelle vous avez votre bonne part. Malheureusement elle vend sa vache aujourd’hui, ce qui renverse ma lâche espérance de vous donner une grosse motte de beurre exquis. Je le regrette cyniquement. Telle est ma force, quand il s’agit de flatter votre goinfrerie. Sur ce, permettez-moi de vous RÉGALER de mes plus doux baisers et laissez-moi vous fricasser mon cœur et mon âme à la sauce d’amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16376, f. 223-224
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa

a) « gracieuse ».


Jersey, 25 mai 1855, vendredi après-midi, 4 h.

Gaie ou triste, bien portante ou souffrante, mon cher petit homme, je t’aime au-delà de mon cœur et de mon âme. Tu as peut-être eu raison de me gronder hier pour cet accès de chagrin, en apparence mon motivé, mais pourtant je t’assure qu’il n’y a pas de ma faute. Peut-être les regrets et les douleurs ont-ils leur saison et la sève des larmes monte-t-elle du cœur aux yeux à des temps donnés sans que nous puissions nous y soustraire ? C’est ce que j’ignore, mais ce dont je suis sûre, c’est de t’aimer comme on peut aimer sur la terre et comme on doit aimer au ciel.
J’ai encore passé une mauvaise nuit et j’ai encore un grand mal de tête mais j’espère que le bonheur de t’avoir toute une soirée me guérira comme avec la main. En attendant, je mets les petits plats dans les grands et je fourbis mes ustensiles de table tout en donnant séance au citoyen Durand, lequel continue à se plaindre beaucoup d’un nouveau mal qu’il s’est découvert hier dans la soirée. Du reste il est toujours très affectueux pour toi et pour moi par contrecoupa. Je ne lui ai pas parlé de dîner parce que ma table est au complet et surtout parce qu’il m’a dit plusieurs qu’il s’inviterait lui-même quand il se sentirait bien disposé. Je l’attends sans impatience mais je n’en saurais dire autant de vous que j’attends. J’attends à fond de train et amour abattu.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16376, f. 225-226
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa

a) « contrecoups ».

Notes

[1Juliette a commandé à Philippe Asplet une nouvelle reliure pour son album.

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